François Bayrou : victime du soupçon ?

France Inter
Publicité

Au fond, l’affaire des attachés parlementaires européens du Modem est-elle si scandaleuse ?

C’est effectivement la question parce qu’il s’agit là, en réalité, d’un mode de financement parallèle de la vie politique, pas d’un système d’enrichissement personnel. C’est répréhensible mais il faut quand même –me semble-t-il- faire cette distinction. Si la justice devait confirmer ce que tout le monde a constaté, que l’épouse de François Fillon ou les enfants de Bruno Leroux n’ont pas travaillé, il s’agirait là d’un enrichissement, de l’organisation d’un complément de revenu, avec de l’argent public au détriment d’un travail parlementaire. S’il s’avère que les attachés parlementaires du MODEM ont travaillé, non pas pour le parlement européen mais pour le MODEM, alors il n’y a pas enrichissement personnel. Chacun jugera s’il faut hiérarchiser ces fautes. Quand François Bayrou jure qu’il n’y a jamais eu d’emplois fictifs au Modem il a raison mais personne ne l’en a jamais accusé… On parle bien d’emplois détournés de leur objet pour financer un parti politique. Au fond, ces pratiques étaient largement admises, même si l’on peut aujourd’hui les trouver scandaleuses. François Bayrou, contrairement à ce que l’on dit beaucoup depuis hier, ne part pas du gouvernement sous la pression du soupçon mais il dit choisir de ne pas entrer dans un nouveau gouvernement pour que la loi de moralisation de la vie politique soit sereinement débattue. Il dit choisir. En fait la subtile pression venue d’en haut pour qu’il décide lui-même, donc qu’il amoindrisse la crise gouvernementale, est du grand Machiavel. Mais il faut être juste, si le MODEM a fait travailler des attachés parlementaires pour son compte, François Bayrou voulait maintenant vraiment changer le système pour que la vie politique soit plus probe.

Mais il était mal placé pour porter cette loi !

Publicité

Oui… en politique (comme dans bien des domaines), on ne peut pas dire, quand on y a pris part, s’agissant d’activités qui tombent sous le coup de la loi : « effaçons tout et revenons à des pratiques plus saines ». Certains ont essayé, Michel Rocard, avec sa loi d’amnistie en 1990, un coup d’ardoise magique, avant de réglementer, beaucoup plus drastiquement le financement des partis… Et bien il a essuyé une motion de censure et de sévères critiques de l’opposition et de la presse. Pour changer de pratiques politiques, il faut changer de personnel politique, c’est ce que subit François Bayrou. Et c’est ce qu’est en train de faire Emmanuel Macron méthodiquement, cruellement et complètement ! Et même si François Bayrou pointe le risque de l’avènement d’une société du soupçon et de l’hallali, s’il le pointe de façon très éloquente, en évoquant les Sycophantes de la Grèce antique, et de façon outrancière en évoquant les dénonciations des juifs pendant la guerre, son cas, le cas du détournement des attachés parlementaires du MODEM, ne relève pas de cette dérive du soupçon. Le président du MODEM évoque un vrai fléau mais en réalité, il n’en n’est pas victime. Et de ce fait, l’évoquer abusivement, pour se victimiser, n’aidera pas à combattre le fléau du soupçon généralisé qui menace notre société.

L'équipe