Nicolas Sarkozy était accusé d’en faire trop, d’aller trop vite, et l’on reproche maintenant à François Hollande d’endormir la France, de ne pas agir !
Et pour parer cette critique, François Hollande, tout en la niant, accélère, il prévoit des interventions médiatiques, presse son gouvernement de s’exprimer à tout va et convoque le Parlement plus tôt que prévu. Souvenez-vous, Nicolas Sarkozy (qui avait mis le monde politique dans son essoreuse) avait dû, sur la fin tenter de ralentir… C’était la fameuse « re-présidentialisation ». Alors François Hollande devrait prendre garde, en accélérant, à ne pas non plus se « dé-présidentialiser » lui qui avait plutôt bien revêtu les habits de la fonction. En fait, les politiques sont confrontés à deux calendriers contradictoires, à deux échelles du temps concurrentes. La leur, celle de la réforme, de la fabrication des lois, c'est-à-dire de la démocratie, et la nôtre, celle des médias et de la fabrication de l’info, c'est-à-dire de la démocratie d’opinion. La leur est forcément lente. Faite de travaux de commissions, de navettes entre les deux chambres. Il faut, pour qu’une réforme s’applique réellement, la faire accepter, l’évaluer, l’expliquer, l’amender, débattre, parfois la tester localement… c’est long. Ce rythme prend en compte la complexité de la société qu’il faut réformer. Mais il génère de l’impatience. Parfois il faut légiférer au pas de charge pour éviter les blocages et les lobbies mais la plupart du temps la fabrication d’un droit solide et durable est un travail patient.
Mais les médias ne laissent pas le temps aux politiques de bien légiférer .
Oui, nous nous créons de l’info, la multiplication des chaînes tout info, plus Internet, a fait de nous des voraces insatiables. Il nous faut une annonce par jour, trois polémiques quotidiennes. C’est que ça bouffe BFM-TV, I-Télé, Twitter et les matinales de radios ! Au début de son mandat, Nicolas Sarkozy se ventait de nous mener par le bout du nez, d’imposer son rythme et ses thèmes aux médias en multipliant les annonces et les transgressions. La fin de son quinquennat a montré qu’en réalité, au contraire, c’est lui, le politique qui, pour exister et dominer son monde, avait cédé et s’était plié à notre rythme. Son action était formatée pour nos 20 heures, nos émissions, nos Unes d’hebdos et non pas pour la lente et sérieuse machine de l’Etat. Résultat : la multiplication des lois annoncées a abouti à un engorgement législatif. Les décrets d’application de la moitié des textes votés n’était pas signés un an après et tout les praticiens du droit vous le diront : ils n’ont jamais vu autant de textes inapplicables et mal rédigés. Nicolas Sarkozy s’est asphyxié à tenter de nous alimenter. Il semblerait que François Hollande commence à céder à cette même sirène qui lui chante « vas-y, bouge, agis plus vite ». Et si, en ces temps hyper médiatisés, la vraie marque de caractère de l’homme d’Etat, c’était justement de ne pas céder au rythme médiatique, de supporter les critiques et l’impopularité et d’imposer le rythme politique et notamment parlementaire ! Alors, pour ma chronique, un homme politique lent, posé et réfléchi ce n’est évidemment pas super. Mais pour la réforme du pays c’est certainement plus raisonnable et au bout du compte, efficace… voyez si je suis un bon citoyen ! Je prône la lenteur créatrice pour la France plutôt que la frénésie spectaculaire pour mon édito… D’ailleurs Boileau le dit à François Hollande : « Hâtez-vous lentement et sans perdre courage, vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage ».
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