Gilets jaunes : la possibilité d'un "retour" ?

France Inter
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L'édito du jour, avec vous, Yael Goosz. Le gouvernement doit-il se méfier du retour annoncé des Gilets jaunes (acte... 96 !) ce samedi ?

La météo sociale est toujours une science inexacte. Emmanuel Macron n’a aucun complexe à reconnaître qu’il n’a pas du tout vu venir les Gilets jaunes (la spontanéité des ronds-points, ce fluo pour rendre visibles les invisibles). Mais de la même manière qu'une vague peut surprendre, la reprise d’un mouvement social ne se décrète pas. Jean-Luc Mélenchon n’a jamais fait « déferler » personne sur les Champs-Elysées. Et paradoxalement, c’est souvent quand le pays va mieux et que l’économie repart, qu’apparaissent les inégalités et, avec elles, les conditions de la révolte. 

Or, depuis le déconfinement, le pays est sous perfusion du « quoi qu’il en coûte », chômage partiel prolongé, plan de relance à 100 milliards, quand les gilets jaunes en avaient péniblement décroché 10, en 2018… « La France est le pays qui a le plus socialisé sa gestion de crise », répète souvent Emmanuel Macron à ses équipes. Ajoutons à cette liste pro Etat-providence, le Ségur de la santé, les augmentations pour les soignants. 

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Il faut aussi que l’émetteur jaune soit crédible… De qui parle-t-on exactement ce samedi ? D’un appel lancé par Jérôme Rodrigues, leader auto-proclamé parmi d’autres, viscéralement anti-police, dans un mouvement tellement désorganisé qu’il a fait fuir depuis longtemps Insoumis et cégétistes : Philippe Martinez manifestera jeudi prochain sous ses couleurs. 

Dernière limite et non des moindres : les contraintes sanitaires, les rassemblements contrôlés par les préfets, et bientôt la prolongation des mesures d’urgence transitoires : la saison n’est franchement pas idéale pour organiser des mouvements de masse.  

Ce qui ne plaide pas selon vous pour un automne social…  

Non, mais le sparadrap de "l'injustice sociale et fiscale" colle encore au quinquennat d'Emmanuel Macron. Inégalité accrues en 2018, c'est l'Insee qui l'a révélé hier. Et les plans sociaux qui se multiplient en pleine relance interrogent. Auchan supprime 1500 postes : les héros du confinement, ces « premiers de tranchée », brutalement remerciés, alors que le gouvernement baisse drastiquement les impôts de production au profit des entreprises. Ce plan de relance est-il vraiment juste ? Même dans la majorité, on pose la question. 

Autre nouveauté par rapport aux Gilets jaunes d’avant Covid, la défiance accrue envers l’Etat, tourné en dérision pour sa gestion de la crise. Il y aura demain des anti-masques aux côtés des Gilets jaunes. Un populisme sanitaire qui pourrait s’incarner en la personne de... Jean-Marie Bigard ! Bigard, l’humoriste et son million de fans sur facebook, Bigard qui ne rigole plus depuis que Macron lui parle. La présidentielle n'est plus une blague. Confidence à TF1 : « Dans mes rêves les plus fous, je me voix dans la bagnole avec les fanions, c’est le kiffe absolu ». En attendant 2022, il a prévu demain de se mobiliser avec des Gilets jaunes de Brest. 

Défiance + chômage + complotisme… Cocktail hydro-explosif ! Et donc vigilance orange dans les ministères. « On regarde de très près », confirme le cabinet de Gérald Darmanin. Même expectative à Bercy, où l’on redoute la deuxième lame… 20 à 30% des restaurants franciliens sont au bord de la faillite, alors quelques samedis jaunes en plus et c’est toute la relance qui serait compromise. Un énième grand débat n’y changerait rien.