Aux grands problèmes les grands mots (M.O.T.S…)
Tendance bien de chez nous : on masque une relative impuissance, une faible volonté ou un manque de moyens (en l’occurrence un manque de moyens) par des mots trop grands. Le mot ‘Grenelle’ pour qualifier les réformes contre les violences conjugales est largement surdimensionné. Comme les plans Marshall ou les Révolutions à tout propos pour signifier qu’on a bien pris la mesure d’un sujet et agi en conséquence.
Un Grenelle fait référence aux accords du même nom de mai 68 : puissante mobilisation de moyens et changements structurels. Le Grenelle en 68 c’est + 35% pour le Smig et 10% pour tous les autres salaires... C’est la création des sections syndicales d’entreprises ! Un bouleversement négocié !
Là, s’agissant des mesures contre les féminicides, il s’agit de l’accélération d’un processus en cours, de la confirmation de programmes, d’ajustements de normes, de trajectoires financières déjà prévues. Ce n’est pas rien mais ce n’est pas un Grenelle ! A la Courneuve, en Seine-Saint-Denis (c’est un exemple), sur les 18 postes d’assistantes sociales, seuls 10 sont pourvus et ne le seront pas plus après les annonces de cette semaine.
Un Grenelle –digne de ce nom historique- aurait réglé cette situation et bien d’autres sur le terrain. Aux grands maux (M.A.U.X), en réalité, l’inflation des superlatifs. Tous les ‘jamais autant n’a été fait’, les ‘c’est la 1ère fois que l’on va aussi loin’, veulent combler un faussé de crédibilité à mesure qu’il se creuse. Du Sarkozy pur jus s’insinue en macronie. Et d’ailleurs l’actualité fait remonter un exemple de ce travers sarkozien, dénoncé, ces derniers jours, par notre invité de ce matin, Bruno Retailleau...
Comment ça ?
Quand il réclame un service minimum dans les transports les jours de grève, Bruno Retailleau souligne que celui-ci n’existe pas... alors que Nicolas Sarkozy avait prétendu l’avoir établi. Là, encore, ‘service minimum’ concept fort, mots gonflés. Le texte voté en août 2007, s'intitulait ‘loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports’.
Il s’agissait, pour la majorité d’alors, de cocher la case ‘service minimum’ dans la liste des promesses tenues. Une réglementation qui, je cite, ‘rendrait impossibles les prises d'otage d'usagers par des privilégiés qui défendent leurs avantages acquis’. Il fallait un affichage autoritaire. Le discours d’accompagnement proclamait donc ‘service minimum’. On parlait même de réquisitions, d’astreintes. En réalité, c’était juste un dispositif bienvenu de prévention des conflits et de meilleure information sur les perturbations les jours de grève, une loi d’organisation du dialogue social.
Nicolas Sarkozy, dans ses campagnes de 2012 et 2016, continuait crânement d’affirmer qu’il avait imposé le service minimum dans les transports. Dans le jeu des postures en miroir, la gauche s’était dressée contre cet horrible atteinte au droit social... qu’elle s’empressa, une fois revenue au pouvoir, de garder, parce qu’en réalité, cette loi est inoffensive et même pratique. Grand diseux petit faiseux... nous n’arrivons décidément pas, citoyens comme gouvernants, à considérer que (le plus souvent) les meilleures réformes –en démocratie- ne sont pas les révolutions proclamées mais les évolutions patientes et négociées.
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