"Islamo-gauchisme" : le mot piège...

Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ©AFP - Auteur / Source / Crédit STEPHANE DE SAKUTIN
Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ©AFP - Auteur / Source / Crédit STEPHANE DE SAKUTIN
Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ©AFP - Auteur / Source / Crédit STEPHANE DE SAKUTIN
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‘Islamo-gauchisme’ : cette expression mal définie, stigmatisante, utilisée jusqu’à la nausée est un piège… La ministre de l’enseignement supérieur (Frédérique Vidal), mais avant elle Jean-Michel Blanquer, y ont sauté à pieds joints.

Le mot i_slamo-gauchiste_ est utilisé par des tas de gens qui, normalement, n’ont rien à voir entre eux. D’abord par de réels racistes de la facho-sphère, ravis de trouver un mot valise qui réunit ce qu’ils détestent le plus : l’islam et la gauche. 

Ce terme est aussi utilisé dans certaines émissions de CNews (ou l’équivalent) par des polémistes payés pour polariser les débats et ‘fox-newsiser’ l’antenne. 

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Et, enfin, il est utilisé par de réels républicains fatigués d’être eux-mêmes traités ‘d’islamophobes’ (l’autre mot piège) parce ce qu’ils s’opposent au fléau de l’islamisme. 

Qui désigne le mot ‘islamo-gauchisme’ ? 

Si l’on revient à son origine (qui fait elle aussi débat), il apparait en 1994 sous la plume de Chris Harman, trotskiste anglais du Socialist Worker Party qui avait théorisé (contre le capitalisme) une alliance tactique entre la gauche et l’islamisme dans son livre Le prophète et le prolétariat. Le mot en français aurait été introduit par le sociologue Pierre-André Taguieff en 2002 pour désigner une autre convergence, entre une certaine extrême-gauche et les islamistes, contre Israël

Mais nous ne sommes pas, là, dans le cœur du débat français d’aujourd’hui. Le mot, tel qu’on l’entend, désigne plutôt la cécité d’une partie de la gauche devant le danger liberticide et rétrograde de l’islamisme, sous prétexte que ce serait une idéologie de dominés, d’exploités ou de minoritaires. 

La société française serait une société néocoloniale qui, sous couvert de lutte contre l’islamisme, continuerait à brimer les peuples issus des anciennes colonies. 

Puis, une troisième catégorie de personnes est désignée par ce vocable : ceux (et c’est là que le monde universitaire est visé) qui cherchent à comprendre les raisons de l’islamisme. Ceux-ci s’inspirent parfois de chercheurs américains controversés en France parce que leurs travaux défient l’universalisme qui nous est cher. 

Il est normal qu’il y ait des divergences méthodologiques, de la mauvaise foi parfois, peut-être même du militantisme mal placé. Mais il est terrifiant de constater qu’une autorité politique prétende contrôler des contenus, recherches et débats universitaires. 

En réalité le premier à avoir mis le doigt dans le piège du mot islamo-gauchiste, c’est Manuel Valls. Voilà un antiraciste certain qui, excédé, lui aussi, de se faire traiter d’islamophobe, déclare que ‘chercher à comprendre la radicalisation c’est déjà l’excuser’. Phrase désastreuse qui achève de réunir ce qui est normalement inconciliable : le républicanisme universaliste et la droite xénophobe. En politique, être piégé ce n’est pas être victime… c’est être responsable. 

Les mots ‘islamo-gauchisme’ et ‘islamophobie’, deux pôles d’un débat hystérisé (aussi pour des raisons politiciennes) sont les incisives du piège… de la mâchoire identitaire composée de l’islamisme et de l’extrême-droite, qui broie l’antiracisme universaliste.

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