Juppé... le classique

France Inter
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Hier soir à Strasbourg, Alain Juppé prononçait un discours sur le thème de l’identité…

Oui et sur ce thème voilà ce que pense Alain Juppé : la France c’est d’abord notre passé, nos racines qui sont grecques latines et judéo-chrétiennes… des racines mais aussi des apports extérieurs, de la diversité avec ses vagues d’immigration et les territoires d’outre-mer. Dans ces cas-là il faut citer Marie Curie. Et donc Alain Juppé cite Marie Curie, immigrée de Pologne qui a tant apporté au prestige scientifique de notre pays. Notre identité c’est aussi notre culture qui nous permet de rayonner dans le monde, c’est notre langue qui exprime le génie de notre peuple… ce sont bien sûr des valeurs : liberté, égalité, fraternité…et laïcité, cela va de soi… ce sont enfin des symboles, un drapeau, et un hymne.

…attendez Thomas, vous enfilez des perles…

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Ben oui ce sont un peu des portes ouvertes, c’est vrai !… ou alors c’est simplement la définition de quelqu’un qui estime que le principal problème du pays n’est pas l’identité et que l’angoisse identitaire est en réalité une angoisse sociale. Mais puisque l’identité fait la Une, tout le temps, il est bien obligé de le traiter. Il l’a fait hier à Strasbourg…ce qui est fait n’est plus à faire. C’est pourtant, d’ordinaire, un sujet qui enflamme les salles… Alain Juppé, lui, rendort tout le monde. On peut s’amuser à terminer presque toutes ses phrases pour passer le temps pendant le discours ! Mais faut-il s’en plaindre ? Après tout. Parfois, on a envie d’arrêter l’essoreuse à polémique. Un homme politique qui, sur ce sujet, n’explique pas que le burkini ou les repas de substitution risquent de saper le fondement d’une identité millénaire, ou c’est la république qui recule, cet homme politique n’est, c’est vrai, pas très divertissant. Alain Juppé n’est ni survolté, ni normal, il est le présidentiable classique. En l’écoutant, on se demande si ce classicisme est vraiment adapté à ce monde en évolution si rapide, ou si justement il ne pourrait pas constituer un point d’encrage rassurant ? Alain Juppé pourrait très bien sortir d’une DS noire sans que l’on remarque que la voiture et l’homme ne sont pas de la même époque. En parlant d’identité heureuse (un objectif, pas une constatation, précise-t-il), il réveille, en douceur, par procédé allusif, le souvenir des trente glorieuses. L’époque où le progrès et la tradition étaient harmonieux. Il ne sait pas encore dessiner l’identité heureuse de demain, dans une mondialisation sauvage. Lui président, ce serait le retour d’un classicisme d’Etat, pas vraiment un quinquennat, plutôt un plan quinquennal, le retour des hommes qui ont lu, qui savent incarner proprement le pays sans le subjuguer mais sans lui faire honte…compétant, solide, cultivé… un peu distant, un peu désuet. En écoutant son discours hier soir, c’est la perplexité qui l’emporte. On se dit que (sur ce sujet au moins), il pourrait constituer le point de convergence d’une France fatiguée de la com à outrance, des débats survoltés, des triangulations tactiques, des populismes protestataires. Il continue à truster le haut du tableau de popularité…mais ce n’est que la popularité du moindre mal dans un monde politique largement rejeté. Comment passer du moindre mal à la dynamique : Alain Juppé n’y est pas encore… et c’est ce qui rend sa position de leader très fragile.

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