

La question du temps en politique : l’agenda d’Emmanuel Macron est-il encore synchronisé avec celui des Français, et inversement ? Le monde nouveau dans lequel l'Elysée investit n'est pas pour tout de suite. Attention aux grands malentendus du temps présent.
Peut-être avez-vous déjà entendu parler du « dernier kilomètre », ce concept popularisé par Emmanuel Macron et ses proches, pour rappeler qu’une loi, même votée, ne vaut que quand elle s’applique réellement au plus près des Français.
En cette fin d’année, je vous propose une autre approche, celle du « premier kilomètre » (qui fait qu’on ne voit pas le dernier !). Dans le tourbillon de chantiers lancés tous azimuts, on est un peu perdu. Il n’y a qu’Alexis Kohler, son infatigable bras droit à l'Elysée, pour maîtriser tout le rétroplanning.
Or, le premier kilomètre est essentiel, lui aussi, c’est celui du temps présent, du vécu, du ressenti.
Où voulez-vous en venir ?
Voilà toute une série d'exemples. L’hôpital est (encore) frappé, cette fois par la triplette Covid, bronchiolite, grippe. On soupire : ça recommence, la crise n’est pas réglée ? Le Président a pourtant fait le Ségur et déversé des milliards d’euros du Ségur pour réformer le système de santé… Et puis, cette pénurie de Doliprane pour enfants. Idem. On n’avait pas dit qu’on produirait localement pour être indépendant ?
Je poursuis. L’électricité nous coûtera plus cher en février, mais ça n’exclut pas des risques de coupures… Emmanuel Macron n’a pas dit qu’il relançait massivement le nucléaire ?
Les transports propres, c’est parti ! Le Président annonce 10 RER en régions, 13 milliards d’euros débloqués. Mais quand verra-t-on la première rame ?
A chaque fois, le volontarisme des grands plans et des réformes avec un « R », se heurte à l’instant T : je prends ma voiture et ça bouchonne, on m'indemnise même pour rouler, je fais les fonds de tiroir pour trouver du Doliprane fraise, j’évite les urgences et je mets le chauffage au minimum.
Mais ça, c’est une vision hyper réductrice ?
Bien sûr, je fais exprès. Mais c’est ce fossé qui peut finir en grand malentendu. Emmanuel Macron vole de CNR en CNR (aujourd’hui, c'est la santé), impulse, investit… Mais en note de bas de page, en tout petit, il faudrait préciser : soyez très patient !
Car ça prendra une génération avant de voir une nouvelle paire d'EPR produire ses premiers mégawatts. La fin du numerus clausus en médecine ? Pas d’effet avant 2030-35. Grandeur et ingratitude d’un mandat politique : vous semez, d’autres récolteront.
Malentendu, entretenu par le récit médiatique, immédiatique, souvent court-termiste, qui renforce cette vision, faussée, du "c'était mieux avant"…
Mais la faute aussi au Président, qui vit sa propre temporalité, y compris en matière diplomatique. Interview à TF1, samedi dernier : il faudra accorder des « garanties de sécurité » à la Russie, le jour où « elle reviendra à la table des négociations. » Comment ça ? Emmanuel Macron est déjà dans un plan de paix qui inclurait Poutine ? Discordance des temps, au moment où l’Ukraine entre dans l’hiver et résiste.
En 2017, jeune Président, il s’était confié sur son rapport « obsessionnel » à l’horloge, à l’action politique : « écartelée entre le temps long qui condamne à l’incantation (...) et le temps court qui appelle l’urgence imparfaite (...). » Il a inventé la politique du « en même temps », qui ne marche que si tout le monde en comprend la conjugaison au même temps.
Ah, j’oubliais : 2026, pour les premières boîtes de Doliprane made in France. Ce n’est plus très long.
L'équipe
- Autre