Le pouvoir d’achat compterait plus pour déterminer le vote des Français que la sécurité ou l’environnement
C’est ce qu’affirme l’institut ELAB. 45% des Français mettent le pouvoir d’achat en tête, loin devant la sécurité (30%) puis l’immigration, la santé et l’environnement. L’inquiétude concernant le pouvoir d’achat est bien sûr indexée sur l’actualité du prix de l’énergie. Et pourtant si ce thème fait la une, il n’envahit pas les réseaux sociaux, ne fait pas l’objet d’heures de débats sur les chaines spécialisés dans le clash permanent.
Le thème du pouvoir d’achat est sans doute clivant de la mauvaise façon
C’est à dire social et technique et non pas identitaire et émotionnel. Par conséquent il ne constitue pas le cœur du discours qui monte en ce moment. A l’inverse, la question sociale est la préoccupation 1ère exprimée par (par exemple) LFI. Mais JL.Mélenchon n’en recueille pas les fruits en intentions de vote. Question aussi de crédibilité des propositions, peut-être. Eric Zemmour, qui ne parle quasiment pas de pouvoir d’achat, et estime que les électeurs se prononceront sur une idée de ce que doit être la France, plus que sur l’intendance, dépasse Marine Le Pen, qui, elle, évoque les salaires, l’impôt et la régulation des prix de l’énergie.
Comment s’y retrouver ?
En réalité, on ne peut pas raisonner en termes de concurrence des thèmes et en tirer des conclusions électorales automatiques du genre : si le pouvoir d’achat émerge c’est forcément bon pour la gauche. Si l’angoisse environnementale s’installe c’est un succès évident pour les écologistes ! Rien ne semble bon pour la gauche, par les temps qui courent… et les écologistes, qui se placent de fait, au sein de la gauche, sont lestés par ce désamour, ou plutôt (puisque les électeurs habituels de la gauche sont quand même toujours vivants) par cette désillusion, la grande fatigue électorale de ce camp.
Il n’y a donc pas de concurrence entre pouvoir d’achat et identité/sécurité.
Ces thèmes peuvent se cumuler. Ils ne mobilisent pas les mêmes ressors d’attention et de colère, ce qui rend leur effet électoral incertain.
La question de la sécurité, liée par les candidats de droite et d’extrême-droite, à celle de l’identité, constitue une angoisse diffuse, qui passe par les images, une impression d’ordre paysagère, un sentiment de ne plus reconnaitre son environnement, plutôt que par une réalité toujours vécue directement. C’est plus qu’un sentiment, c’est un ressenti facilement alimenté par le discours parano-dépressif, vaporisé dans l’atmosphère de l’écosystème médiatique maintenant structuré autour des réseaux sociaux et des télés polarisantes.
La question du pouvoir d’achat est beaucoup plus tangible, réelle mais moins propice au show cathodique. Elle se mesure de façon triviale par chaque français devant la pompe d’essence, observant le chiffre des euros tourner beaucoup plus vite que celui des litres. Le grand perdant de ce duo pouvoir d’achat-identité c’est l’environnement. Pourtant plus vital, mais médiatiquement et électoralement moins rentable dans le cadre d’un débat public qui, comme le constate Pierre Rosanvallon, fait de plus en plus la part belle à l’émotion au détriment de la raison.
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