

Thomas Legrand revient sur cette phrase de Bernard Kouchner, dans le "Journal du dimanche" : "refuser le vaccin, c’est une trahison".
- Thomas Legrand Éditorialiste politique à France Inter
Voilà une affirmation qu’une grande partie de la population partagera peut-être : la population des déjà vaccinés ou (qui désirent l’être) redoutent un re-confinement, ou que se développent de nouveaux variants.
Le risque c’est que dans les semaines qui viennent, pendant la course de vitesse entre le variant Delta et la vaccination, s’installe plus qu’un désaccord entre vaccinés et non-vaccinés volontaires : une fracture, une acrimonie qui déchire la société…
Collègues, amis, familles… que les tablées estivales finissent par ressembler à la tablée dévastée du célèbre dessin de Caran d’Ache, intitulé ‘Ils en ont parlé’ au moment de l’affaire Dreyfus.

Mais le fait de ne pas être vacciné n’est pas toujours une position idéologique. Et c’est de la composition sociologique, du détail des raisons de la non-vaccination, que dépend la nature de la fracture redoutée.
Il y a peu d’études d’opinion sur les rétifs au vaccin
Une enquête menée aux Etats-Unis en juin 2020 pour le "Washington Post" démontrait que le refus du vaccin était lié à une proximité avec Donald Trump : méfiance envers le système, les médias et les politiciens, une propension à croire aux thèses complotistes, à essentiellement s’informer sur les réseaux sociaux.
En France, la Fondation Jean-Jaurès a mené le même type d’enquête à la fin 2020. Les antivaxs politiques se trouvaient surtout parmi les électeurs des partis qui défient le dit ’système’, comme le RN, Debout la France et LFI.
Mais depuis six mois, les choses ont évolué et il est difficile de faire la part entre la procrastination vaccinale ("j’ai le temps, je respecte les gestes barrières, ça devrait suffire"), l’attentisme inquiet, les inaccessibles ("je ne suis pas au courant", "il n’y pas de centre de vaccination près de chez moi", "je ne suis pas à l’aise pour prendre rendez-vous sur Internet") et enfin le refus idéologique.
Les dernières données dont dispose le ministère de la Santé font état (sur les 37% de français non vaccinés) de 20% qui seraient antivaxs par conviction.
Les antivaxs par conviction n’ont désormais plus de relais politiques institutionnels
Les écologistes (EELV) ont été, dès le début (en militants de la prévention) allants sur le vaccin, Yannick Jadot prône même l’obligation vaccinale générale. LFI est devenue clairement pro-vaccin après avoir, par vieux réflexes de blocs, été méfiante envers l’américain Pfizer, après avoir dénoncé un soi-disant ostracisme envers le vaccin Spoutnik Russe (qui s’avère impossible à conditionner à grande échelle). Le RN méfiant, aussi, aurait préféré (comme le professeur Raoult) que la recherche se concentre sur un traitement.
Aujourd’hui, devant l’évidence de l’efficacité vaccinale, Raoult comme Le Pen appellent sans ambages à la vaccination.
Les antivaxs idéologiques sont donc maintenant seuls et en rupture avec tout le système de représentation politique. Ce qu’ils dénoncent (arrogance des élites ou une forte angoisse environnementale) doit être considéré (comment ? Là est la question). Mais les qualifier de ‘traitres’ n’est certainement pas le meilleur moyens de les ramener au bercail de la vaccination.
L'équipe
- Production
- Autre