

Retour sur la violente altercation verbale, jeudi soir, sur C8, entre l'animateur Cyril Hanouna et son invité, le député LFI Louis Boyard : révélateur des relations compliquées entre médias et politiques. Un animateur télé peut-il insulter un élu, en toute impunité ?
Imaginez : il est 7h50... A votre micro, Nicolas, Léa, un député s’en prend à l’Etat et aux chaînes du service public. Le député, jeune, offensif, vif, s’insurge contre cette tutelle. Mais on ne l’entend plus, recouvert par les injures que vous lui balancez à la figure : « abruti, tocard, bouffon, t’es qu’une merde. » Et en lui hurlant dessus, vous le virez du studio 511…
Pure fiction, bien sûr, ici. Mais c’est bien ce qui s'est passé jeudi soir en direct sur C8. Cyril Hanouna pourrit d’injures l'Insoumis Louis Boyard, parce qu’il a prononcé le nom tabou, « Vincent Bolloré », propriétaire de la chaîne ! Le député accusait les cinq personnes les plus riches de France, dont Bolloré, d’appauvrir l’Afrique.
Liberté d’expression ? Non, chez Hanouna, on ne touche pas à son chef et à son « pote ». On ne modère pas le débat, on dégage l’invité. Mise à mort symbolique et cathodique ! Louis Boyard essaye de lui dire : « Cyril, je suis un élu de la République ! » Réponse : « Je m’en bats les couilles » (Je tenais à être précis sur le verbatim !)
Et selon vous, on dépasse là toutes les bornes ?
Est-ce que Cyril Hanouna connaît le droit ? Sait-il que le gouvernement a pris une circulaire, suite à la flambée des violences envers les élus, pour que ce type d'insultes soit jugé comme outrage, puni d'un an de prison et 15.000 euros d’amendes. Et quel exemple pour les 15/25 ans qui le regardent ? Rien à foutre des élus, donc rien à foutre de voter ? Sur Twitter, hier soir, l'animateur est revenu sur l'altercation : regret d'avoir insulté le député, mais "mes chéris, je suis entier (...) sanguin, et vrai, comme certains politiques."
Paradoxal ! TPMP se revendique comme la nouvelle agora, le plateau incontournable où l'on peut parler de tout. Mais, parfois, sans prévenir, l’animateur pète un câble et exécute son invité.
Un invité vraiment comme les autres ?
C’est là que le piège se referme. Louis Boyard a lui-même été chroniqueur, rémunéré, l’an dernier, pour Hanouna. Beaucoup d’Insoumis, comme Raquel Garrido, aiment ferrailler dans l’émission, dans l’espoir de capter un auditoire plus large, plus jeune, les fâchés mais pas les fachos. Ce que Marlène Schiappa, elle aussi, a beaucoup fait du temps des Gilets jaunes.
Alors, boomerang mérité ? Certainement pas ! C8 est autorisée à émettre parce qu’une convention la lie à l’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel. Et l’insulte publique ne figure pas dans le cahier des charges.
Faut-il une commission d’enquête, comme le réclament les Insoumis ? Il y en a déjà eu une, en mars, au Sénat. Pas spécifiquement sur Bolloré, mais plus largement sur la concentration des médias. Les sénateurs disaient leurs inquiétudes pour le pluralisme, et concluaient à la nécessité d'une "régulation publique adaptée".
Bon… Alors attendons les conclusions de l’Arcom, qui doit d'abord statuer sur un autre dérapage hanounesque, son plaidoyer pour une justice expéditive, après le meurtre de Lola… Car Hanouna est un récidiviste : C8 a déjà payé 3 millions d’euros d’amendes, il y a 5 ans, après un canular homophobe.
Roi du buzz ? C’est gagné ! Puisque je viens de lui consacrer une chronique. Pour dire que les règles de la démocratie ne s’arrête pas aux portes d’une émission. On ne touche pas à ton poste, si tu ne touches pas à la République.
L'équipe
- Autre