

Elisabeth Borne assure entendre les "interrogations" et les "doutes", tout en assurant vouloir maintenir son "cap", après une nouvelle mobilisation massive contre le projet. Où en est le rapport de force, alors que trois "légitimités" s'affrontent : l'Elysée, la rue et le Parlement ?
Si vous sondez l’Elysée, on vous dira que c'est le statu quo, le "ni, ni" : ni reflux, ni déferlement. Situation figée. Avec un motif de satisfaction : la chute du nombre de grévistes…
Peut-être, mais si vous prenez l’autre thermomètre, le nombre de manifestants, ce n’est pas le même topo ! L'intersyndicale est plus que jamais soudée, derrière un leader renforcé, Laurent Berger, et elle fait mieux encore qu’en 2010 ! Avec des mobilisations records dans les villes moyennes, ce qui devrait sérieusement alerter l’exécutif sur le risque de décrochage entre Paris et les territoires.
D’ailleurs, les députés, qui vont bientôt entrer en scène pour l’examen en hémicycle, n’y sont pas insensibles. Le potentiel de fronde est d’autant plus élevé que c'est lui, l’élu local, qui est à portée de baffes et qui s'inquiète pour sa réélection, contrairement au Président.
Et puis, il s’est produit quelque chose que les sondeurs regardent toujours de très près quand démarre un mouvement social. L’effet miroir : toutes ces foules, pacifiques et déterminées, se sont vues défiler, en images, à la télé, sur les réseaux. La force du nombre crée la dynamique, qui peut agréger encore (on pense aux jeunes, plus présents que le 19 janvier).
Donc si l’on vous suit, l’exécutif serait en difficulté ?
Pas forcément. Car ça se complique aussi pour les syndicats, face à un calendrier contraint : les vacances scolaires, qui coïncident avec l'examen de la réforme au Parlement.
Le Parlement, à qui l'exécutif compte refiler le mistigri. A l’Elysée, on dit que les députés seront les « juges de paix ». Et dans les tuyaux, déjà toute une série de concessions programmées (mais coûteuses) pour ressouder la majorité et calmer la droite (sur les trimestres de congé maternité, l’index senior, les carrières longues).
Enfin, mobiliser un samedi, 11 février, pour grossir les rangs, d'accord, mais quel sera l’effet perturbateur pour les départs en vacances ? Pour le moment, l’exécutif n’a pas eu à se servir de l’argument "chienlit", mais ça pourrait changer !
D’après vous, Emmanuel Macron décrochera donc son "totem" de réformateur ?
Disons que les institutions de la Cinquième République rendent ce scénario très probable… C'est d'ailleurs significatif de voir à quel point le Président se projette déjà dans l’après. Cette réforme ne serait qu’une étape, l'an zéro du deuxième quinquennat. Sur l'air de : vivement la suite !
Sauf que le saut d'obstacle est conditionné à un minimum de concorde dans la majorité… Si tout ça devait se solder par un 49.3, trop chargé symboliquement, ce ne serait plus la même histoire.
Et même sans 49.3... Comment réagiront tous ceux qui auront usé leurs baskets pendant des semaines ? Surtout si on leur dit que la revoyure, c’est 2027 ! 2027, où l'âge légal, si la réforme passe, sera de 63 ans et 1 trimestre. 2027, présidentielle transformée de facto en référendum pour ou contre les 64 ans...
Mais avec qui, cette fois, à l’Elysée ? Puisqu’Emmanuel Macron, bon gré mal gré, l’aura prise, lui, sa retraite ! On connaîtra alors le coût politique de sa réforme paramétrique.
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