

Effet collatéral : la guerre en Ukraine réhumanise la campagne présidentielle…
Tout va très vite depuis six jours : le tournant militaire en Allemagne, l’Europe qui achète des armes pour les livrer à un pays agressé. Et chez nous, le ton de la campagne a changé. Il y a moins d’une semaine, vous auriez encore entendu des candidats pérorer sur l’immigration zéro. Mais l’émotion est telle devant le fracas des bombes à 2000 kilomètres de Paris que ce n’est plus le sujet, et plus du tout la priorité. Gérald Darmanin a réuni les préfets hier, pour organiser l'accueil des déplacés ukrainiens... Alors qu'il y a quelques jours, la campagne devait se faire sur la maîtrise des frontières et l'immigration contrôlée, d'ailleurs l'un des axes de la présidence française du conseil de l'UE.
Réhabilitation à vitesse grand V de la figure du « réfugié » ?
Oui, qu’il faut accueillir, aider, héberger, au nom de la convention de Genève, et qui le dit ? La fille de Jean-Marie Le Pen ! Combien d’Ukrainiens ont fui leurs pays ? Près de 700.000, nous dit le Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés. Principalement des femmes et des enfants. Et il n’y a plus qu’Eric Zemmour pour préférer les cantonner à la Pologne !
Ben voyons ! C’est toute sa matrice idéologique qui explose sous les bombes de Poutine. Rien ne va dans ce conflit. Sa théorie fétiche du choc des civilisations, celle de Samuel Huntington ? Hors sujet. Un pays majoritairement orthodoxe envahit son voisin orthodoxe… Où est le grand remplacement ? Et le maître de Tchétchénie, où l’on pratique la charia, Ramzan Kadyrov, envoie des troupes pour aider son allié russe… Rien ne va, je vous dis !
« On est chez nous ? » C’est plutôt « Bienvenue chez nous », le mot tendance aujourd’hui. A Lille, par exemple : la mairie a ouvert dimanche midi un site internet pour l’accueil de réfugiés ukrainiens, et en 24 heures, ce sont 1500 places qui ont été trouvées. Même la SNCF s’y met : les réfugiés prendront le train ? Oui et gratuitement.
Mais Yael, on parle des réfugiés ukrainiens…
Et c’est là où s’arrête cet édito candide et à l’eau de rose… Car il y a beaucoup de non-dits dans cet élan de solidarité. Enfin, pas que des non-dits, puisque le président de la Commission des affaires étrangères à l’Assemblée, le député Modem Jean-Louis Bourlanges, l’a lui-même assumé à la radio : les Ukrainiens constitueraient en France une « immigration de grande qualité, dont on pourra tirer profit », et il poursuit, parce que composée « d’intellectuels ».
Attendez, qu'on comprenne bien : il y aurait donc des réfugiés moins utiles… Parce que culturellement trop différents ? Pas chrétiens ou pas Européens ? Réflexe de voisinage pour aider d'abord celui qui nous ressemble ? Loi du mort au kilomètre, qui veut que plus l’horreur se produit loin de chez soi et plus on y est indifférent ? Comme s'il fallait dire « accueil de réfugiés » en parlant des Ukrainiens, mais « crise des migrants » si on évoque le sort des Irakiens, des Syriens ou des Afghans ! Beaucoup de commentateurs et d'éditorialistes de renom se sont paresseusement laissés aller à ces raccourcis conscient ou inconscient depuis jeudi…
Mais voilà un rapport qui mettra peut-être, un jour, tout le monde d’accord, celui du Giec. Dernière estimation : plus de la moitié de la population mondiale est d’ores et déjà « très vulnérable », aux impacts du réchauffement. Il y aura inévitablement des conflits, des déplacés.. Question : y aura-t-il aussi des trains gratuits pour tous les millions de futurs réfugiés climatiques ?