Rapport Sauvé : devant l'ampleur des révélations, la société est en droit de demander à l'église de réformer

Jean-Marc Sauvé, président d'une commission indépendante sur les abus sexuels commis par des responsables ecclésiastiques (Ciase)
Jean-Marc Sauvé, président d'une commission indépendante sur les abus sexuels commis par des responsables ecclésiastiques (Ciase) ©AFP - THOMAS COEX
Jean-Marc Sauvé, président d'une commission indépendante sur les abus sexuels commis par des responsables ecclésiastiques (Ciase) ©AFP - THOMAS COEX
Jean-Marc Sauvé, président d'une commission indépendante sur les abus sexuels commis par des responsables ecclésiastiques (Ciase) ©AFP - THOMAS COEX
Publicité

Les conclusions du Rapport Sauvé sur la pédocriminalité dans l’église sont accablantes pour l’institution.

L’ampleur de ce qui est révélé conduit la société à s’intéresser de plus près au fonctionnement de l’Eglise. Puisque nous sommes en régime laïc, au moins à demander des comptes à la hiérarchie catholique. 

Le caractère massif, systémique (dit le rapport), des crimes pédophiles, des viols sur personnes faibles, est spécifique à l’église catholique. Les autres religions n’ont –c’est vrai- pas fait ce travail de transparence. 

Publicité

C’est l’un des enseignements les plus impressionnants de l’œuvre titanesque de l’équipe de JM. Sauvé : aucune autre activité sociale (sport, éducation, loisirs) mettant en rapport adultes et enfants ne connait ce niveau de criminalité

Il faut interroger la doctrine de l’Eglise sur la sexualité : diabolisation du plaisir ou de l’amour hors mariage, homophobie officielle, amalgame homosexualité/pédophilie, bestialisation de ce qui a été longtemps appelé le péché de chair, célibat obligatoire, valorisation de la chasteté, bref tout cet attirail doctrinal de perversité, d’ambigüité, de frustration, en réalité d’obsession et d’immaturité sexuelle, détraque ou attire les détraqués. Que toute une corporation puisse et doive être sans sexualité, alliée au fait que, pour les fidèles (et les plus vulnérables d’entre eux, les enfants), le prêtre est placé (puisque choisi par Dieu) au-dessus du commun des mortels, sans désir et réputé pur quoi qu’il fasse, ‘l’excessive sacralisation de la personne du prêtre’, dit le rapport, aurait produit une situation désormais intenable, au moment où une transformation presque anthropologique pousse enfin nos sociétés à questionner la domination patriarcale.   

Pourquoi le débat doit-il dépasser le cadre de l’Eglise ?

Songez que si vous faites un don à une association cultuelle, ce don sera défiscalisé comme pour n’importe quelle association. Sauf que les associations cultuelles sont, c’est la loi de l’Eglise, présidées par un évêque. Donc forcément un homme. Selon des accords entre l’Etat et le Vatican datant de 1924, l’Eglise n’est pas soumise à toutes les  règles du droit du travail. 

Dans quel domaine de la société accepterait-on qu’une entreprise, une association, ait le droit d’interdire les postes de direction à une femme ? Pour quelle autre activité accepterait-on de participer au financement (par cette ristourne fiscale ou tout autre moyen) d’une entreprise qui interdit à ses cadres d’avoir une vie sexuelle ? 

Cette tolérance héritée de notre histoire catholique est-elle toujours admissible maintenant que l’on sait que la perversité de ces règles a engendré tant de crimes ? 

Les catholiques, par leur contribution à l’action sociale, à l’aide aux plus démunis, mais aussi par le fait que l’Eglise remplit un besoin de spiritualité, trouvent leur utilité dans la société française. Comment imaginer que ces activités vertueuses, charitables, spirituelles seraient moins bien remplies si l’Eglise abandonnait ses préceptes d’un autre âge sur la sexualité ? 

Maintenant que l’on ne peut plus nier la spécificité criminogène de l’Eglise telle qu’elle fut et telle que sa doctrine sur la sexualité demeure, la société (sinon l’Etat) est en droit d’exiger qu’elle se réforme.