

En pleine crise énergétique, alors que la guerre en Ukraine franchit un nouveau palier, et que faire son plein d'essence relève du parcours du combattant, les pré-candidatures se multiplient pour... 2027 ! Décalé, absurde, et dangereux pour la démocratie.
Faut-il parler de la présidentielle de 2027 ? J’entends déjà les soupirs de l’autre côté du « poste ». On sait que la présidentielle est la reine des élections, en France, mais on en sort à peine… Jean-Luc Mélenchon s’était déclaré en novembre 2020, Marine Le Pen en avril 2021, on a voté en avril 2022, et ça repart, déjà… La présidentielle est une chaîne d’info en continu à elle toute seule.
Or ce soir, Emmanuel Macron, réélu, revient par la petite lucarne, France 2, pour nous parler de l’état du monde, après six mois de guerre en Ukraine, l'escalade nucléaire toujours redoutée, l’Occident concurrencé, l’Europe, l'énergie, l’après-pétrole quand on aura pu refaire le plein… Comment compte-t-il mener la barque France au milieu des crises.
Et à quoi assiste-t-on depuis dix jours ? A un concours de placement de produits pour 2027. Avec des alliés comme ça, Emmanuel Macron doit avoir du mal à dormir sur ses deux oreilles.
Sur sa droite, Edouard Philippe explique (déjà !) qu'il ne fera pas de primaire, que la retraite à 67 ans, ce serait mieux. En stéréo, mais au centre, voilà François Bayrou. « Prêt », lui aussi. Il aura 76 ans en 2027 ? Non, ce n’est pas vieux, regardez Joe Biden. Depuis dimanche, des ministres le surnomment « Joe Bayrou ».
A droite, Eric Ciotti voudrait que le candidat pour 2027 soit désigné l’an prochain… Xavier Bertrand a pris date. Et avec lui, comme avec les autres prétendants, les interviews se suivent et se ressemblent. Vous pensez déjà à 2027 ? « Mais non, voyons, les Français n’ont pas la tête à ça ! » Et ça finit toujours par une phrase du genre : « Mon envie de me battre est intacte ». Ou : « se préparer n’est jamais inutile ».
Et comment vous expliquez cette course prématurée de petit chevaux ?
Par nos institutions ! Depuis la réforme de 2000 (quinquennat et inversion du calendrier électoral), la présidentielle prime sur les législatives. Mais ce qu’on n’avait pas expérimenté, c’est la situation d’un président réélu hors cohabitation (et de ce point de vue, Emmanuel Macron est un cas unique), réélu mais de facto, sortant, puisqu’il ne peut faire que deux mandats consécutifs (ça, c'est dû à Nicolas Sarkozy et à la révision constitutionnelle de 2008). Avec cette question qui excite tous les professionnels de la politique : le macronisme survivra-t-il à Emmanuel Macron ?
Pourquoi ça vous agace ?
Parce que c’est un accélérateur d’abstention ! On se plaint tout le temps de la fatigue démocratique des Français, mais ça intéresse qui, la compétition de 2027, à part les compétiteurs ? Quand il y a tant d’urgences à régler !
Savez-vous combien d’électeurs sont allés aux urnes dimanche, dans la 2ème circonscription des Yvelines, regagnée par le ministre Modem Jean-Noël Barrot ? 26% ! Bon d’accord, ça n’était qu’une partielle, mais quand même, un électeur sur 4 ! ça interpelle !
Et ça vaut pour les candidats pressés, comme pour les commentateurs impatients ! Je m’inclus dedans ! So-bri-é-té ! Imposons-nous un délai de décence, une trêve minimale avant de repartir pour un tour !
Ah, attendez, on me dit que François Bayrou émet des regrets dans un tweet : « l’information selon laquelle je m’intéresserais à 2027 est complètement déplacée et ridicule… » Vous voyez, Nicolas, on progresse !
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