Question pour l’opposition : comment s’opposer pendant le coronavirus ?
Question délicate et inédite… comme la situation que nous traversons. L’idée que nous serions en guerre suggère que l’opposition devrait se mettre sous cloche, accompagner l’exécutif dans un élan d’union sacrée. Ce que d’ailleurs le gouvernement ne demande pas… Le terme de ‘guerre’ s’entend… il s’agit d’une mobilisation générale, d’un front qui se déplace, de la société qui se reconfigure pour tendre vers un unique objectif : repousser l’assaillant. Mais une guerre est un acte politique. Dans une guerre, les institutions, la structure étatique, la pérennité de la nation sont en jeu. La démocratie se met forcément un peu entre parenthèses. Aujourd’hui, avec le coronavirus, ce n’est pas la France qui est attaquée en tant que telle. Nous ne sommes donc pas en guerre. Il n’y a personne avec qui négocier, éventuellement signer un armistice. La démocratie doit donc rester vivace. Les forces d’opposition doivent être régulièrement sollicitées par le pouvoir… d’autant qu’un état d’exception est instauré et que certaines libertés sont (à juste titre) réduites, comme celles d’aller et venir. Mais bien sûr, l’opposition doit adapter son registre de critique. Le débat idéologique prend une autre tournure… c’est une toile de fond : quel monde a-t-on construit pour en arriver là ? Quel monde doit-on construire après ? Le moment est historique et rebat bien des certitudes sur la marche et l’organisation de notre société… heureusement que la réflexion à ce sujet anime déjà nos débats… Le confinement des corps ne peut pas être celui des esprits…
Mais la critique des décisions opérationnelles de l’exécutif contre le virus… c’est plus délicat !
Bien sûr… elle doit se transformer en interrogations plus ou moins appuyées (comme sur l’intensité du confinement ou sur l’utilité de la chloroquine par exemple). Interrogations plutôt qu’affrontements ou mises en cause. Les oppositions n’ont pas toutes les informations en temps et en heure, et la critique abrupte n’apporterait rien. Elle doit s’échanger contre la promesse de la plus grande transparence de la part de l’exécutif. Rien de pire que ces responsables politiques qui deviennent subitement infectiologues péremptoires. C’est ce qu’a d’ailleurs expliqué Jean-Luc Mélenchon, en substance, qui se refuse à porter des jugements sur la stratégie quotidienne du gouvernement. L’opposition a pu, à juste titre, interroger quelques incohérences dans le message présidentiel (restez chez vous et allez travailler si vous le pouvez) mais elle qui s’est mobilisée pour que le 1er tour des municipales ait lieu est payée pour savoir qu’un peu d’humilité s’impose en pareilles circonstances. Doivent disparaitre aussi toutes les polémiques habituelles dans le cadre de la concurrence des partis, et le plaisir de la joute pour la joute. Arnaud Danjean, député européen LR, exhumait, hier, fort à propos, cette citation d’Ernst Jünger : ’Chaque remarque polémique que l’on garde pour soi est un mérite que l’on s’acquiert… et cela d’autant plus qu’elle contenait de l’esprit’ … la démocratie ne doit donc pas s’éteindre en ces temps de crise aiguë… Son exercice (par la majorité, les oppositions, et aussi les commentateurs) est simplement temporairement plus grave.