Par Marc Fauvelle.
Au lendemain de la nouvelle manifestation des opposants au mariage homosexuel, une image a retenu votre attention....
Une image et pour tout dire, une drôle d'ambiance. Ce week-end, en allumant sa radio ou sa télé, on avait un peu l'impression d'être assis dans un fauteuil de ciné, devant un vieux film des années 90. Ça s'appelait Un jour sans fin , l'histoire d'un homme qui à chaque fois que son réveil sonne le matin, revit inlassablement la même journée...
C'est un peu angoissant j’en conviens, et c'est ce qui nous arrive à nous tous, Français, depuis cinq mois avec le mariage pour tous. Il y a d’abord les appels à manifester, à peu près toutes les trois semaines, puis dans la foulée, des dérapages sur les réseaux sociaux, puis les condamnations de ces mêmes dérapages. Viennent ensuite l'appel au calme lancé par les organisateurs, les manifestants qui expliquent qu'ils ne sont pas homophobes, -dont certains ont d'ailleurs un bon ami gay mais qui ne veut pas se marier- et puis en fin de journée le chiffrage de la préfecture de police, et pour boucler cette journée, la polémique sur ce même chiffrage. Voilà cinq mois que ça dure, cinq mois que la France ne parle que de ça ou presque, et qu'entre temps, deux pays, eux, ont déjà eu le temps de légaliser le mariage gay... et de passer à autre chose.
Mais hier, le scénario a changé, ou plutôt le casting de notre grande production nationale.... Il était un peu plus de 14h, place Denfert-Rochereau à Paris, quand les politiques et les organisateurs prennent place en tête du cortège. Les habitués sont là : Frigide Barjot, Christine Boutin, quelques élus UMP aussi, comme Hervé Mariton, Patrick Ollier ou le centriste Jean-Christophe Fromentin... Mais si on regarde bien la photo de famille, il y a un petit nouveau, qui s'est glissé tout à droite de cette photo de famille, qui lui aussi a le droit de tenir la banderole... C'est Gilbert Collard, député élu sous les couleurs de Marine Le Pen.... Frigide Barjot lui fait la bise, Christine Boutin prend la pause à ses côtés et se fait même photographier tout sourire. Parmi les élus UMP, certains ont l'air un peu gêné, mais pas au point de lui demander d'aller manifester plus loin. Non, finalement, le FN est le bienvenu dans la manif.... pour tous, vraiment pour tous.
Et on ne peut s'empêcher de penser que la scène d'hier préfigure peut-être le nouveau visage de la droite, façon famille recomposée.
Visage qui n'a plus l'air d'étonner grand monde…
Non, il y a bien eu quelques condamnations, comme celle d'Yves Jégo à l'UDI, ou du premier secrétaire du PS Harlem Désir...
Mais finalement c'est presque acté désormais, on peut défiler bras dessus, bras dessous avec un élu du front national. Après tout, on avait déjà vu des députés UMP applaudir une question posée par Marion Maréchal-Le Pen dans l'hémicycle, d'autres députés signer une proposition de loi avec elle, alors pourquoi ne pas faire front commun contre François Hollande ? Le fait que la scène se déroule un 21 avril, onze ans après la claque de 2002, ça non plus, ça n’émeut personne...
A l'époque, la droite chiraquienne avait mis en place une politique des digues face au FN. Ça lui avait parfois coûté très cher, électoralement parlant, mais au moins on savait clairement pour qui on votait. Nicolas Sarkozy est passé par là, et avec lui la ligne défendue par Patrick Buisson, le « ni-ni » de Jean-François Copé également, renvoyant dos a dos socialistes et frontistes… Et nous voilà donc en 2013, avec l'impression que les digues d'hier ne sont plus que de petits tas de sables. Au passage, on aurait bien aimé que les ténors de l'UMP soient là, hier dans la manif, ne serait-ce que pour voir leur réaction. François Fillon et Jean-François Copé auraient-ils laissé faire ? Auraient-ils accepté de se faire photographier aux cotés du représentant d'un parti qui jure de faire exploser l'UMP autant que le PS, ou au contraire, seraient-il allés au clash ?
Là, ça n'aurait plus été du cinéma, mais l'heure de vérité.
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