La primaire de la droite et du centre se joue à deux niveaux : le débat politique et l’organisation du scrutin.
La primaire de la droite et du centre se joue à deux niveaux, dites-vous, le débat politique et l’organisation du scrutin.
Oui, la mise en place juridique et matérielle de la primaire se déroule de la meilleure des façons pour ceux qui voulaient une compétition la plus ouverte possible (principalement Alain Juppé), en revanche pour ce qui est de la nature des débats de la primaire, si l’on en juge au bruit médiatique (mais ce n’est peut-être pas le critère le plus pertinent), l’ambiance du moment semble plutôt avantager Nicolas Sarkozy. D’abord, pourquoi la mise en place de la primaire est-elle favorable à Alain Juppé ? Parce que tout est fait pour que la consultation soit la plus large possible. Il y aura quelque 10.300 bureaux de vote, soit plus que pour les socialistes il y a cinq ans. L’implantation des bureaux de vote est bien sûr plus dense sur les territoires où domine la droite que dans les fiefs de gauche. La répartition a été faite sur la base des résultats du 1ertour de la présidentielle de 2012, en prenant en compte (et les Sarkozystes, seuls contre tous, ont été obligés d’y souscrire contre leurs intérêts), prenant donc en compte les résultats de F.Bayrou. C’est un peu compliqué mais ça veut dire qu’il y aura beaucoup de bureaux de vote dans l’ouest, censément plus favorables aux modérés et centristes, donc à Alain Juppé. Les organisateurs de la primaire ont tenu compte des conseils de leurs collègues socialistes qui leur avaient expliqué qu’en la matière c’est l’offre de bureaux de vote qui crée la demande : plus il y a de bureaux, bien répartis, plus l’assiette électorale est large et plus il y aura de votants. Nicolas Sarkozy a aussi perdu sur le vote des Français de l’étranger. Ils pourront tous voter par Internet alors qu’il s’était prononcé contre.
S’il y a beaucoup de votant (autour de 3 millions, comme les socialistes) c’est bon pour Alain Juppé ?
Et pour Fillon ou Le Maire. Tout ce qui élargit l’assiette électorale, par rapport au cœur des sympathisants LR, largement acquis à l’ancien Président, est une mauvaise nouvelle pour Nicolas Sarkozy. C’était l’analyse des stratèges de tous les candidats au début de la campagne. Mais, en réalité, ce n’est pas si mécanique. Ayant perdu la bataille des bureaux de vote, donc de la taille de l’assiette électorale, Nicolas Sarkozy compte bien gagner celle du contenu de cette assiette ! C’est une bataille sur la sociologie des votants qui s’ouvre. Qui veut-on intéresser ? Voilà pourquoi, Nicolas Sarkozy, fait dans l’emporte-pièce anti-système identitaire et sécuritaire sans nuance. Faire du Le Pen alors que, pour une fois, Le Pen n’est pas là… ça peut être tout benef’, pense-t-on chez les Sarkozystes, d’autant que beaucoup d’électeurs occasionnels du FN sont aussi électeurs occasionnels LR. Alain Juppé, lui, tente de convaincre les modérés, et même le centre gauche de venir voter. C’est une différence de stratégie mais, au fond, les vieux clivages de la droite s’y retrouvent : nous avons, avec ce duel au sommet finalement, un épisode de l’éternel controverse qui anime la droite française (mais cette fois-ci en version, un peu trash, un peu caricaturale), entre le bonapartisme autoritaire et l’orléanisme plus modéré. Et il va falloir tenir deux mois comme ça !
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