

Alors ce débat ? C’était un pugilat. Marine Le Pen l’a voulu ainsi… elle a donc réussi à imprimer ce climat dès le début…
Mais du coup elle n’a fait que parler (pour le critiquer, le détruire, l’atomiser) d’Emmanuel Macron… de son programme et de sa personne, l’intronisant, elle-même futur président. Jusqu’à sa conclusion, moment solennel, statutaire s’il en est, au cours de laquelle elle n’a fait que commenter les propositions de son concurrent. Les seuls moments où la candidate a détaillé ses propres idées et semblait sur son terrain, c’était sur la question de la lutte contre le terrorisme, à propos de laquelle elle a pu affirmer sa fermeté, avec une autorité qui plaira à ses partisans.
Elle maîtrisait à ce moment la question (quoi que l’on pense de la pertinence de ses solutions). Puis il y eut l’euro et le franc. Là ce fut inintelligible. Le téléspectateur ne comprend plus rien avant de s’apercevoir que c’est la candidate, elle-même, qui est perdue ! Sur ce sujet Marine le Pen a fait naufrage. Emmanuel Macron, lui, maîtrisait ses dossiers, il n’avait aucune note et son aisance pouvait le disputer parfois (comme toujours en pareil cas) avec une impression d’arrogance contre laquelle il luttait finalement assez efficacement par un ton plus didactique que donneur de leçon.
Il y avait vraiment deux stratégies hier soir
Oui Emmanuel Macron voulait faire président, montrer que malgré son jeune âge, il pouvait revêtir les habits du chef de l’Etat. Il ne s’est pas départi de son calme malgré la stratégie de harcèlement de Marine Le Pen. Le candidat de En Marche avait choisi de répondre à toutes les attaques, toutes les insinuations, quitte à donner l’impression parfois de se laisser embarquer dans tous les chemins que lui désignait Marine Le Pen. Mais cette stratégie de défense produisait finalement un effet bénéfique pour Emmanuel Macron puisque le débat restait, de ce fait, en permanence sur ses propositions. Et c’est là que l’on peut s’interroger sur la pertinence de la tactique Marine Le Pen. Son agressivité, son ironie offensive donnait l’impression qu’elle concourrait au poste de chef de l’opposition, pas à celui de présidente.
A-t-elle déjà intégré la défaite ?
Ou alors, fait-elle l’analyse que pour gagner (puisque nombre de Français sont en colère et même en état de révolte contre ce qu’elle appelle le système), l’analyse, donc, que pour gagner il faut tout renverser et se présenter en bulldozer, selon la méthode Trump. Donald Trump a gagné comme ça, en choisissant les armes du duel, marteau pilon plutôt que fleuret ! Mais cette stratégie est-elle importable en France ? Aux Etats-Unis, c’est Washington et le gouvernement fédéral qui sont détestés par une grande partie des Américains… Trump pouvait donc se permettre de ne pas respecter les codes de la bienséance washingtonienne et du débat politique classique et même de les piétiner… En France, ce n’est pas la même chose. Ce n’est pas l’institution du président de la République, ce n’est pas l’Etat central qui est honni, ce sont ceux qui les incarnent. Dès lors, il n’est pas sûr que le style dobermann, loin du minimum de solennité, de retenue, qui sied à l’idée que l’on se fait d’un président, soit la meilleure stratégie. L’enjeu pour Macron, c’était que ceux (nombreux) qui hésitent à le choisir, même par défaut, trouvent des arguments pour franchir le pas. Marine Le Pen les leur a sans doute fournis hier soir.
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