Thomas Legrand associe les deux mouvements, car la société bouge devant ces « maladies de l’âme » de la démocratie. La dimension planétaire, la façon dont les jeunesses urbaines se sont emparées de cette affaire rappellent la vague Me Too qui change non seulement les politiques publiques mais aussi les mentalités.
Le mouvement contre le racisme et les violences policières ressemble au mouvement Me Too
Oui, la dimension planétaire, la façon dont les jeunesses urbaines se sont emparées de cette affaire rappellent la vague Me Too qui change non seulement les politiques publiques mais aussi les mentalités, les pratiques individuelles quotidiennes de millions de gens. On est à mi-chemin entre la politique et l’anthropologie. Dans beaucoup de pays, chacun s’interroge sur sa propre relation aux autres.
Partout dans le monde (ici l’affaire Adama Traoré), des situations font écho au meurtre de George Floyd. C’est la mondialisation d’une prise de conscience et d’une action militante… et puis (c’est très impressionnant) ça marche : des mesures sont annoncées, partout, pour changer la politique et les méthodes sécuritaires. Plusieurs Etats ou villes américaines, le programme des démocrates pour la présidentielle, chaque pays démocratique, les gouvernements sont obligés de revoir (ou de prévoir de revoir) la formation des forces de l’ordre.
En France, Christophe Castaner prend aussi des dispositions. Hier, dans cet édito, j’expliquais que les ministres de l’Intérieur se comportaient toujours en purs défenseurs des policiers. Christophe Castaner dément, un peu, cette règle par ses annonces qui constituent un début de regard nuancé sur ses policiers. Tout à l’heure, Edouard Philippe aura des paroles fortes nous dit-t-on à Matignon. Pour lui le racisme est une ‘maladie de l’âme’ (ce sont ses mots) et une maladie sociale. Le président, lui, n’a pas tenu ses promesses de campagne.
A Médiapart il déplorait, en 2017, que la hiérarchie policière ne soit jamais mise en cause alors que l’année dernière, il récusait le terme de ‘violences policières. C’est donc du président qu’une parole (et surtout une annonce d’action et de réforme) doit venir. Sa majorité même le demande, ce n’est pas qu’une question intérieure puisque tous les dirigeants des démocraties occidentales se sont prononcées.
Et donc il va parler !
On ne voit pas comment il peut en être autrement… sous quelle forme ? Ça se discute en ce moment à l’Elysée… mais surtout pour dire quoi ? Personne ne connait la doctrine du président sur ces sujets. Il était apparu plutôt différentialiste, influencé par le modèle anglo-saxon, pendant sa campagne. Puis, plus rien. C’est exactement comme pour la laïcité.
On ne sait pas grand-chose et LREM ne dit rien non plus de particulier sur ce thème. Pas de tradition ni de lignée idéologique. Il est certain, au moins, qu’Edouard Philippe puis Emmanuel Macron voudront montrer qu’ils ont pris conscience de la puissance de la vague, comparable à Me Too sur le racisme, au-delà même de la question de la police. Les sujets de la discrimination, de la diversité, se posent de façon singulière en France puisque notre doctrine républicaine, issue des Lumières (tout en ne reconnaissant pas l’existence des races), est bien obligée de reconnaitre qu’il y a du racisme… pas de races mais du racisme…
Tous les politiques, depuis la décolonisation, buttent sur cette incongruité conceptuelle… et factuelle.
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