Le ratage de la presse dans l'affaire Dupont de Ligonnès

Une d'Aujourd'hui en France sur la possible arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès
Une d'Aujourd'hui en France sur la possible arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès ©Maxppp - Alexis Sciard
Une d'Aujourd'hui en France sur la possible arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès ©Maxppp - Alexis Sciard
Une d'Aujourd'hui en France sur la possible arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès ©Maxppp - Alexis Sciard
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Le gros ratage de la presse avec l’affaire de l’arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès. ‘Ratage’, c’est le mot du jargon journalistique pour décrire une telle situation. La procédure -B.A.B.A du métier- pour sortir une information de la sorte, c’est de la recouper, au moins une fois avec l’une de ses propres sources.

Après avoir été alerté par une source policière de l’arrestation de l’homme le plus recherché de France, Le Parisien avait donc recoupé son info. Et il l’a donné. L’Agence France Presse et tous les grands médias (dont France Inter), avant de reprendre l’info en leur nom (c’est-à-dire sans plus citer Le Parisien), ont fait de même, se sont renseignés auprès de leurs contacts police-justice. 

Mais avant l’erreur de la presse, il s’est avéré qu’il y avait une erreur policière. Ce n’est pas se défausser que de décrire l’arrière-boutique de notre métier pour en faire comprendre les ratés.

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Et c’est un raté journalistique magistral

C’est important de comprendre parce que les entreprises de presse écrites, audiovisuelles, ont le statut d’éditeur et les obligations qui vont avec. C’est-à-dire que nous sommes pénalement responsables des informations que l’on diffuse contrairement à n’importe quel internaute sur le net. Ce dernier (en dehors de propos répréhensibles par la loi) n’est pas tenu à la vérité factuelle et le réseau social, simplement hébergeur pas éditeur, est donc irresponsable (bien souvent dans tous les sens du terme). 

Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux et les smartphones, le commun des mortels dispose de tous les outils journalistiques pour, non seulement récolter l’info, mais aussi la diffuser. Et généralement plus vite que les journalistes qui doivent, eux, prendre le temps de les certifier. La pression s’accentue sur la presse et le risque bêtises avec. De plus, l’excitation professionnelle qu’il y avait à donner une telle information sur l’un des fait-divers les plus fascinants et mystérieux de ces dernières années, nous a sans doute empêché, tous titres confondus, et leur sources policières, de patienter encore un peu, d’attendre les résultats officiels des expertises ADN avant d’être si affirmatif.

Peut-on dire pour autant que la presse a produit une fake news ?

C’est ce que ceux qui détestent les journalistes répètent depuis samedi. Ils ont du grain à moudre et la moindre défense (celle-ci par exemple) paraîtra à beaucoup comme du corporatisme. Techniquement oui, c’est une fake news, une fausse nouvelle... mais ce terme fake news suggère autre chose : une intention maline. 

Il y a une différence entre une fake news et un gros ratage, entre un mensonge et une erreur, entre une manipulation et une précipitation. Comme le faisait remarquer jeudi dernier à ce micro Sylvain Tesson, ’à notre époque on veut tout, tout de suite’. Nous suggérions, il y a quelques jours, au ministre de l’Intérieur, après ses propos précipités, lors de l’incendie de Lubrizol, de relire Eloge de la lenteur de Carl Honoré. Nous devrions nous appliquer à nous-mêmes, journalistes de l’ère des réseaux sociaux, du tout-info et de l’hystérisation de tout débat, ce judicieux conseil. 

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