Le vent illibéral

France Inter
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Ce Matin, les accointances « illibérales » entre Matteo Salvini et Marine Le Pen....

Les philosophes Pierre Rosenvallon et Etienne Balibar, avaient, dans les années 90, inventé le terme «d’illibéralisme» qui nous permet de qualifier cette forme de démocratie (car il s’agit techniquement de démocratie) qui s’oppose à nos démocraties dites « libérales ». Démocraties libérales fondées sur le primat de la liberté individuelle. Démocratie libérale qui se veut continue. Les élections désignent les gouvernants mais ne suffisent pas, il faut une démocratie quotidienne. La sociale démocratie et la démocratie chrétienne, chacune dans leur genre, avaient organisé la vie de la cité, avec séparation des pouvoir, contre-pouvoirs (institutionnels ou pas), corps intermédiaires et une presse libre. Le tout, dans un contexte de croissance économique, faisait vivre la démocratie permanente via une quête de toujours plus de droits. On avait d’ailleurs le sentiment que c’était la liberté, les droits individuels et collectifs qui constituaient les meilleurs moteurs de la prospérité ! Et puis la machine s’est grippée...

Une autre forme de démocratie s’impose : l’illibéralisme, donc...

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Avec l’idée que ce qui compte avant tout, ce sont les élections. Les élections comme blanc-seing à un homme fort. Le primat n’est plus la liberté mais la sécurité : des biens et des personnes, sécurité identitaire et aussi de l’emploi, avec un retour des frontières qui serait socialement plus protecteur. Pourquoi les électeurs choisiraient une démocratie moins-disante, sporadique, passant du primat de la liberté à celui de la sécurité ? Pourquoi abandonneraient-ils la démocratie du quotidien qui garantit les droits individuels ? Parce que depuis la panne de la croissance assurée et le retour de l’insécurité sociale, une grande partie de la population a le sentiment (et ce n’est pas qu’un sentiment) que la démocratie du quotidien - le syndicalisme, les grandes associations, la presse - est exercée, occupée, par une petite partie de la population : le système, ou une caste, selon les expressions. Pas forcément plus aisée mais urbaine, à l’aise avec la mondialisation, dotée d’un capital culturel qui la protège. N’ayant pas accès aux instruments de la démocratie d’entre les élections, une grande partie de la population rurale, des villes moyennes et périurbaines préfère utiliser le levier démocratique qui lui reste : l’élection pour envoyer des messages forts, brutaux et choisir des solutions qui font fi des corps intermédiaires, des médias (et de leur représentation du monde) dont ils se sentent exclus. Si Emmanuel Macron veut prendre la tête du camp de la démocratie politiquement libérale, contre l’illibéralisme, il lui faut donc montrer que la démocratie quotidienne, celle des citoyens engagés, des syndicats, du tissus associatif, des élus locaux, non seulement est respectée, mise à contribution,  mais surtout ouverte à tous. Ce pourrait être le message qui accompagne le 2nd souffle annoncé avec le remaniement… si seulement le président en a encore les moyens et l’autorité ! Si le président continue à donner l’impression de se défier, de se méfier des corps intermédiaires, des collectivités locales, des acteurs de terrain... il ne fera qu’alimenter les raisons pour lesquels les illibéraux progressent !

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