Le vote blanc est blanc, le vote nul est nul

France Inter
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Hier vous souligniez la relative fragilité de l’élection d’Emmanuel Macron. Ce matin vous trouvez qu’on va trop loin dans la relativisation de sa victoire …

Oui, à voir tous les commentaires (le mien de hier y compris donc), je trouve qu’il faut revenir sur les chiffres de cette élection. Le poids des abstentionnistes, les bulletins blancs ou nuls (4 millions pour ces derniers, un record) ont été d’autant plus sur-interprétés qu’une bonne part de ceux qui ont voté pour le nouveau président l’ont fait, comme il est convenu de dire, « par défaut », mais en réalité notre lecture des résultats me semble biaisée par un travers bien français : nous sommes en permanence, en politique, à la recherche d’absolu, du tout ou rien.

Culture de l’affrontement et refus du compromis oblige, on oublie que tout choix électoral comporte de l’adhésion et du rejet entremêlés, en dose, c’est vrai, très variable. L’électeur procède à une hiérarchisation. Une hiérarchisation c’est forcément un mélange de choix positif et négatif. Emmanuel Macron totalise quand même plus de 20 millions de voix, c’est plus que Nicolas Sarkozy en 2007 et que François Hollande en 2012.

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Mais tous ces électeurs ne souhaitent pas - loin de là - qu’Emmanuel Macron applique son programme

Et ces électeurs le feront savoir lors des législatives ! Emmanuel Macron ne pourra appliquer son programme que s’il trouve une majorité. Y compris pour légiférer par ordonnance, puisque, rappelons-le, il faut une majorité pour ça ! Mais on oppose un peu rapidement ces 20 millions de voix aux Français qui ont voté M.LePen (un peu plus de 10 millions), aux 12 millions d’abstentionnistes, et aux blancs et nuls. Les abstentionnistes se sont tus, les blancs et nuls se sont exprimés… mais pour ne rien dire d’intelligible.

En votant blanc, on dit juste « je ne suis pas satisfait ». Ce peut être pour des raisons tout à fait contraires ! La colère du vote blanc et nul ne dit rien d’audible mais veut être entendue ! Les appels à prendre en compte le vote blanc sont absurdes parce que, au-delà de donner le chiffre, que peut-on faire ? S’abstenir, c’est le droit de se taire, voter blanc, c’est le droit de protester, de pousser un cri « inexplicite » contre l’offre politique…

Mais il se trouve que l’offre politique en question, celle du 2nd tour, procède d’un choix démocratique… le contester est déjà, en soi, problématique. Il ne faudrait pas que ces façons de soupeser les votes et les non-votes amoindrissent la légitimité du président élu. Priorité à ceux qui choisissent !

Rappelons quand même qu’Emmanuel Macron a réuni 43% du corps électoral en sa faveur, ce qui, dans une démocratie ouverte, est un score très élevé : le Brexit n’a été adopté que par 36% du corps électoral et Donald Trump n’a réuni que 25% de l’ensemble des électeurs potentiels des Etats-Unis.

Emmanuel Macron a donc très bien gagné, il sera tout à fait légitime à appliquer son programme si (et seulement si) il a la majorité législative. Ceux qui le contestent n’ont plus qu’à se battre pour réunir autour de leur projet plus de 289 députés sur 577. Parfois, en démocratie, il faut revenir au principe simple… et juste.