Oui, un arrêt de la Cour de cassation n’est pas fait pour animer un débat mais pour dire le droit. Et en droit, au regard des textes et de la jurisprudence, il n’y a pas à critiquer cet arrêt en tant que tel. Pour autant, il n’est pas sans conséquences sur un débat extrêmement sensible. Du coup, on peut comprendre que Manuel Valls, retirant un moment sa casquette de ministre, se laisse aller à exprimer son désarroi d’élu local, après cette décision de justice. Le débat se focalise sur la délimitation de l’espace dans lequel les employés confrontés à des enfants doivent observer une stricte neutralité. Entre service public, mission de service publique exercée par des établissements privés, règlements intérieurs d’associations, c’est un débat sans fin et on n’arrivera pas à tracer des frontières incontestées. Mais personne ne demande (sauf quelques députés UMP, très en bas, très à droite) l’interdiction du voile dans tous les établissements privés ! Seulement la crèche Baby-Loup est une crèche spécifique et précieuse, militante, autogérée qui a un objectif clairement féministe, ouverte à des horaires qui permettent aux femmes de travailler. Et c’est dans cette optique que l’on peut très bien comprendre qu’elle n’accepte pas le voile en son sein. Le règlement intérieur de la crèche n’était, semble t’il, pas assez clair pour que la Cour de cassation le reconnaisse. Et c’est dommage. Tout le monde comprendrait qu’une école catholique n’accepte pas qu’un professeur milite pour la libre pensée en plein cours. Pourquoi ne permet-on pas à une crèche autogérée et féministe de refuser le voile islamique ? Ceux qui se réjouissent de l’arrêt de la cour de Cassation disent que l’islam risquait d’être stigmatisé. Et c’est là que se nichent tous les non-dits qui pourrissent ce débat. En réalité, ce n’est pas tant les signes religieux qui posent problème que le voile en lui-même et ce qu’il dit de la place de la femme dans certains quartiers. C’est évident, la directrice de la crèche n’aurait pas licencié son employée si celle-ci avait eu autour du cou une chaînette avec une croix ou une étoile de David. Mais elle ne l’aurait pas plus licenciée si elle avait porté une chaînette avec une main de Fatma. Ce n’est donc, en fait, pas une religion qui est visée, n’en déplaise à ceux qui usent et abusent du terme-piège « d’islamophobie ». C’est l’expression d’une pratique sexiste de la religion. L’islam est pratiqué de façon privée et non ostentatoire par des millions de Français. Mais quand elle est pratiquée de façon à soumettre les femmes, elle sort du lit de la laïcité dans lequel les républicains ont réussi à cantonner toutes les autres religions. Rien à voir avec une prétendue islamophobie. La lutte que mènent les démocrates tunisiens ou égyptiens contre l’islam réactionnaire et liberticide dans les universités et tous les lieux publics, nous rappelle que nous devons défendre une conception de l’égalité… contre les arguments, venus des religieux (parfois de la gauche), qui prônent une différenciation faussement tolérante. Ce combat qu’il faut mener en France est très délicat parce qu’il peut être vite assimilé à du néo-colonialisme ou à un affrontement de civilisations… alors que c’est un combat universel et tout simple, pour la liberté individuelle et en l’occurrence pour l’égalité des sexes.
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