Le statut de la vérité en politique. Ces dernières années, en politique, la vérité factuelle avait tendance à devenir une opinion comme une autre… Donald Trump, dirigeant de la plus grande démocratie, érigeait le mensonge en fait. Bien sûr, les Etats-Unis, avant Trump, mentaient déjà… Comme tous les empires !
Le maccarthysme avait été émaillé de mensonges, la participation des Américains au coup d’Etat de 1973 au Chili, les soi-disantes armes de destruction massives en Irak.
Le mensonge est un biais classique de la politique
La société américaine (démocratie vivante) finit toujours par révéler la vérité : presse, écrivains, cinéastes, électeurs sont là, en vigie. Mais pour Donald Trump, le mensonge n’est pas un outil, c’est le carburant.
Avec lui, la vérité correspond, non pas à la réalité d’un fait mais à ce que le peuple veut entendre : en 2017, il disait ceci ‘Les médias ne disent pas la vérité puisqu’ils ne représentent pas le peuple’.
Le respect de la vérité factuelle, des consensus scientifiques, est l’une des composantes des ‘normes de comportement politique’ (pour reprendre le terme de David Brooks, éditorialiste au New York Times)…
Comportement politique que Donald Trump a piétiné. Parmi tous les dommages causés par ce mandat, avoir apposé un sceau institutionnel aussi puissant que celui de la présidence américaine sur la méfiance envers la vérité factuelle est sans doute le méfait le plus corrosif. Mais traiter Trump de vilain menteur serait faire l’impasse sur un autre usage de la vérité qui a beaucoup abimé la politique dans les années 80 et 90.
Quel autre usage de la vérité ?
Les années Thatcher et Reagan et leur influence sur la politique économique mondiale. A cette époque, la mondialisation, la dérégulation généralisée, étaient présentées comme inéluctables. Elles n’étaient pas soumises à débat… C’était le TINA, ‘There is no altervative’. La politique dite néolibérale était présentée comme une vérité factuelle et non pas comme une opinion. Or le but d’un projet politique, s’il doit se baser sur des faits partagés (par exemple des chiffres économiques), c’est de modifier le réel.
Les dirigeants libéraux des années 1980 et 1990, ont réussi à faire croire que ceux qui proposaient autre chose n’étaient que des menteurs. Cette attitude a commencé à affaiblir le statut de la vérité en politique. En retour de balancier, les mensonges de Trump, contre un système qui avait voulu faire passer un choix pour une vérité, avaient alors une voie royale.
Le mal qui résulte de cette mécanique est terrible. Même si la victoire de Biden lave l’affront, tous les critères de la bienséance démocratique sont abaissés. Et pas seulement en Amérique. Steven Levitsky, professeur de sciences politiques à Harvard, écrivait, en 2019 :
Lorsque la transgression des règles se répète, les sociétés tendent à abaisser les critères de déviance. Ce qui a semblé, un temps, anormal devient normal.
Les quatre ans de Trump ont participé à l’abaissement (jusqu’en France) de tous les critères de la normalité politique.
L'équipe
- Production
- Autre