Le cas d’Andrea Kotarac, LFI, qui passe au RN, est-il un épiphénomène, comme le disent les Insoumis ?
Oui, le transfert de ce simple conseiller régional, prévu depuis avril, a été habilement révélé par le RN à 10 jours du scrutin. Mais cet épiphénomène souligne le caractère bancal de la position des Insoumis et résonne avec les études d’opinion qui montrent que les popularités de Pen et Mélenchon progressent de façon surprenante chacune dans le camp de l’autre. Cela dit, les sympathisants de LFI et du RN le sont pour des raisons philosophiques, des visions du monde aux antipodes. Seulement pour atteindre leur but politique ils combattent (sur le même ton) un même adversaire (présenté comme l’ennemi) : le libéralisme, incarné par Emmanuel Macron, et tout ce qui se dit pro Union Européenne. L’ennemi, c’est plutôt le libéralisme économique pour LFI et le libéralisme politique pour le RN.
Mais pourquoi ce procès en convergence ?
Parce qu’en politique, la façon dont vous défendez vos idées, le ton avec lequel vous dénoncez le monde que vous voulez changer est performatif. C’est un acte politique en lui-même. Et là, les similitudes sont flagrantes. La stratégie du tumulte permanent, de l’affrontement, du tout ou rien, du dénigrement de la presse, l’opposition peuple/élite, les accents plus ou moins complotistes sont des méthodes communes à Le Pen et Mélenchon ou Ruffin. Les Gilets jaunes sont d’ailleurs la manifestation de cette possibilité de confluence. Mais les extrêmes ne finissent pas par se rejoindre parce que si les colères rouges et brunes peuvent dire ‘non’ ensemble, elles ne peuvent pas dire ’oui’ ensemble. Ajoutez-y une propension à vanter pour certains, en Syrie ou en Crimée, l’action de la Russie ou d’autres régimes autoritaires, le refus de JL.Mélenchon, dans l’entre-deux tours de 2017 de choisir entre Le Pen et Macron, leur slogan commun aujourd’hui, ‘tous sauf Macron’, le parallélisme saute alors aux yeux ! La pauvre Manon Aubry, venue du monde associatif et du libéralisme politique, n’est pas sur le modèle mélenchonien. Et c’est pour ça que les quelques responsables Insoumis, tenants d’une république souverainiste, quittent le parti depuis quelques mois. Pour 2017, Mélenchon avait lu la philosophe Chantal Mouffe et théorisé le populisme de gauche. Il préférait saluer la foule par un surprenant ‘salut les gens’ plutôt que par le traditionnel ‘camarade’. Le but avoué était de soustraire la masse des employés modestes, des ouvriers, des chômeurs, aux griffes du FN. La droite tente de les séduire en singeant l’extrême-droite sur le fond… LFI, en la singeant sur la forme, en occupant à fond la fonction tribunicienne et protestataire par la brutalité érudite qui caractérise JL.Mélenchon, comme en son temps JM.Le Pen. Maintenant il s’agit de rassembler le cœur de l’électorat Insoumis. C’est un cœur de gauche et humaniste. Le ton populiste n’est pas adapté pour ça. D’où le choix de Manon Aubry. Mais elle doit toujours se coltiner la rhétorique acrimonieuse de l’antagonisme constant du chef. Hier soir encore à Rouen, le vieux leader prononçait un discours fait d’anathèmes anti-élite, qui tranchait avec la radicalité posée de la tête de liste.
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