Ce matin, le retour de l’hyper-président
Le président supervise la composition de la liste LREM aux européennes, adoube le candidat pour la mairie de Paris. Certes ses prédécesseurs agissaient de la sorte mais justement, on avait compris qu’Emmanuel Macron allait redonner au président une position de surplomb arbitral et d’animateur de la vitalité de la société qu’il fallait redynamiser. Ce n’est pas le cas. Sa façon de présider, les mots et le ton qu’il utilise pèsent sur l’état du débat public, l’état des mobilisations sociales et au total, sur l’ambiance nationale. Toute la politique semble se focaliser autour de lui, par rapport à lui. Les Gilets jaunes n’en appellent d’ailleurs qu’à lui, pas au gouvernement, ni aux parlementaires, encore moins au monde économique. Cette centralité qui appauvrit la vie politique est-elle le fruit de l’instauration du quinquennat et de la concomitance de la présidentielle et des législatives ? Le tout dans un écosystème démocratique dominé par les réseaux sociaux qui tuent l’intermédiation, fragilisent les partis, les syndicats et la presse ? Ou est-elle due principalement au caractère des présidents ? Ça avait commencé avec Nicolas Sarkozy qui inaugura le titre d’hyper-président. Sa personnalité agitée était mise en avant. Sous François Hollande, au contraire, le parlement, avec les frondeurs, a joué un vrai rôle dans l’animation de la vie politique. Les premiers ministres étaient véritablement à la manœuvre. D’ailleurs, on reprochait à François Hollande son manque de caractère, de charisme, sa mollesse. Emmanuel Macron avait promis de faire en sorte que le chef de l’Etat reprenne de la hauteur et soit (comme l’avait théorisé de Gaulle) un président de grandes orientations, laissant chaque institution jouer son rôle.
En fait, il se comporte en chef de la majorité...
Ce n’était certainement pas son souhait mais c’est un fait ! La faiblesse structurelle et idéologique de LREM y est pour beaucoup. Le parti majoritaire qui, en ce moment, en est à son 3ème chantier de réforme de ses propres structures, n’a, en outre, et par définition, pas d’histoire, et un socle idéologique passablement meuble. Le 1er ministre, selon la constitution, est le chef de la majorité puisqu’il est, contrairement au président, responsable devant l’assemblée. Et bien Edouard Philippe n’est même pas adhérent de LREM ! Tout concours (les conditions politiques, institutionnelles, la personnalité du président) à ce que soit renforcée sur l’Elysée, c’est-à-dire sur un homme, l’hyper centralisation de la vie politique! Mais Emmanuel Macron n’est pas le seul en cause ! Tous nos reflexes (acteurs, commentateurs et citoyens) tendent, par facilité, à pousser le président à tout faire... et après d’ailleurs à le lui reprocher ! Ou (s’il n’est plus au centre de tout) à constater sa faiblesse, s’il se montre moins invasif, à le lui reprocher aussi ! La 5ème République a survécu à la fin de la décolonisation, à mai 68, à deux chocs pétroliers... Pour survivre au tout-info qui hystérise les débats et aux réseaux sociaux qui dévitalisent les corps intermédiaires et imposent un face à face peuple/président, il faudrait la réinventer en profondeur. Parce que la double question maintenant est celle-ci : notre démocratie reste-t-elle praticable ? Et, la France est-elle encore gouvernable ?