Malentendus et manips sur l'agribashing...

Manifestation des paysans hier, ici sur le périphérique à Paris
Manifestation des paysans hier, ici sur le périphérique à Paris ©AFP - julien mattia / ANADOLU AGENCY
Manifestation des paysans hier, ici sur le périphérique à Paris ©AFP - julien mattia / ANADOLU AGENCY
Manifestation des paysans hier, ici sur le périphérique à Paris ©AFP - julien mattia / ANADOLU AGENCY
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Après les manifestations d’agriculteurs, et à la suite de Dominique Seux hier, Thomas Legrand revient sur la notion d’agribashing…

Oui, parce qu’il y a pour le moins –me semble-t-il- un malentendu sur cette notion. A part quelques activistes antispécistes ou écolo-ultras, la société regarde, en réalité, très largement les agriculteurs avec bienveillance. Il ne leur est pas reproché individuellement d’être pollueurs, destructeurs de la biodiversité mais ce sont les responsables politiques et la principale organisation professionnelle des agriculteurs (la FNSEA) qui sont pointés du doigt pour avoir continué, plus que de raison, à promouvoir une agriculture intensive, industrielle, toujours plus nécessiteuse de produits phytosanitaires. 

Les individus agriculteurs sont plutôt vus comme piégés socialement, financièrement par un modèle trop longtemps promu et sous perfusion. Ministre de l’Agriculture dans les années 1960, Edgard Pisani disait, au début de la planification pour une agro-industrie, et poussant le raisonnement jusqu’à l’absurde, que si les clients voulaient du lait rouge et des pommes carrées, et bien l’agriculture française produirait du lait rouge et des pommes carrées ! Cette logique a fait la fortune de la première agriculture d’Europe et nourri, c’est vrai, les Français à moindre coût. Mais Edgard Pisani, dans les années 1990, devenu très critique du modèle qu’il avait vanté, multipliait les conférences sur l’agriculture raisonnée

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L’agro-industrie a aussi permis aux grandes surfaces d’imaginer que les prix agricoles étaient indéfiniment compressibles, comme le coût d’un produit manufacturier dont on délocalise la fabrication. La grande distribution a ainsi enfermé les agriculteurs dans un surendettement autodestructeur. La récente loi alimentation, censée redonner de l’oxygène aux producteurs, n’a pas eu d’effets.

Mais les agriculteurs se sentent quand même stigmatisés

La FNSEA a mis très longtemps à admettre qu’il fallait massivement changer de modèle. Pour résister à ce changement, elle se victimise encore et explique que ceux qui la critiquent attaquent les agriculteurs ! C’est la technique éprouvée et redoutable du détournement de cibles. 

En revanche, les promoteurs d’une agriculture plus raisonnée ont été, eux, durant des années, ostracisés, traités d’idéologues illuminés, d’amateurs, voire de fossoyeurs d’un fleuron français. Aujourd’hui, c’est vrai que quand les écologistes exigent l’arrêt immédiat du glyphosate, sans accepter les trois ans de latence, le temps de trouver des solutions techniques, ils semblent s’en prendre à des agriculteurs qui, désormais, savent la nécessité d’opérer une transition, pour peu qu’on leur laisse du temps et des moyens. 

Parce qu’après des années de déni, la FNSEA, sous la pression de ses membres et de la société, tient enfin le discours de la transition et commence même à agir en ce sens malgré ses liens solides avec l’agrochimie. Il faut remettre les responsabilités dans l’ordre et les bonnes proportions : les agriculteurs sont d’abord victimes d’un modèle qui les tue. Leurs vrais agresseurs sont ceux qui le nient ou veulent les y maintenir. Pas ceux qui dénoncent ce modèle depuis longtemps.

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