Vous revenez sur le discours de Marine Le Pen, de samedi à Brachay. Une rentrée plutôt passée inaperçue.
Oui et Marine Le Pen, l’a sans doute fait exprès. Le discours de Brachay, ce village qui offre au FN des scores records, devait signer un simple acte de présence en en disant le moins possible ! Ça ressemblait à du Doriac et Dujarric… vous ne connaissez pas le Doriac et Dujarric ? C’est un recueil de discours types, (qui date de 1914). On y trouve des modèles d’allocutions pour toutes sortes de situations, de la cérémonie de bienvenue en mairie pour un administré de retour d’exploration dans les colonies, au discours de soir de victoire électorale d’un conseiller général… c’est plein d’emphase à la crème, de crescendos ampoulés et chevrotants, à prononcer en roulant les « R ». Il s’agit de ne rien dire mais de le dire avec autorité et lyrisme. C’est désuet à souhait. Marine Le Pen a fait du Doriac et Dujarric, malheureusement sans rouler les « r ». La vacuité le disputait à la grandiloquence. Elle enfonçait à coup de truisme, de grandes portes bien dramatiques… jugez plutôt « Au bord de l’abime, c’est toujours l’esprit de la France éternelle qui prend le dessus »… ou cette vérité imparable : «Aucun Français ne sortira indemne de la disparition de la Nation » tout est de cet ordre abstrait, stratosphérique. Ni choquant, ni extrémiste, juste pompier. C’était un flot de République, de Nation et de Patrie, de dénonciation de tous les politiques, dépeints en boutiquiers vendus à Bruxelles ou Washington. « J’ai pris mes distances -dit-elle pensive, hugolienne- avec les contraintes futiles du quotidien pour me consacrer à l’essentiel » L’emphase permet de ne rien dire en contentant un auditoire venu pour vibrer.
Et pourquoi ne dit-elle rien ?
Parce que quand on dit, en politique, il faut chiffrer, être un minimum précis, tristement concret, évoquer les conséquences de ce que l’on promet, être sûr que son propos n’est pas contradictoire et donc être soumis à l’expertise et la critique. Mais quand on déclame, que l’on reste sur les grands principes, aucune aspérité ne permet aux interlocuteurs d’avoir prise. Si vous comparez ce discours vaporeux de Brachay aux discours de la primaire de droite, le contraste est frappant. En concurrence, les candidats de la primaire sont obligés d’avancer des idées plus ou moins précises. Dans une surenchère droitière, ils en arrivent à proposer de réformer la constitution pour interdire le Burkini ou à vouloir supprimer les repas de substitution dans les cantines. Ce sont eux qui deviennent les extrémistes ! Personne ne sait si la nouvelle sémantique boursouflée, nébuleuse, de Marine Le Pen est efficace à la longue. Quand viendra le temps de la campagne, à l’approche de mai 2017, il va falloir être précis. Le Brexit, qui se retrouve sans solution, Donald Trump dont le discours fond à l’approche du soleil de la réalité, montrent que l’emphase de la protestation générale a ses limites. Alors, pour finir, si vous aussi vous voulez briller sans trop vous mouiller lors d’un mariage, du départ en retraite d’un collègue ou d’une cérémonie officielle, je vous conseille Toast, allocutions et discours modèles… Par Doriac et Dujarric, on le trouve toujours… chez Albin Michel
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