La France Insoumise voudrait remplacer le Front National…
C’est sa mission… Et elle est revendiquée par les dirigeants de ce jeune mouvement. Mission qui explique la stratégie éruptive de ce groupe parlementaire, et de son chef, mission qui consiste à offrir à la partie de la population la plus en difficulté, la plus mise à l’écart par les effets de la mondialisation, un débouché politique, une alternative, mais qui, avant cela, exprime la rage, la colère populaire. C’est une mission périlleuse et beaucoup plus délicate que les coups de gueule, la tonitruance du verbe mélenchonien peut le laisser croire. Parce qu’il faut capter, exprimer le mal être, les insécurités sociales et même identitaires, sans user des ressorts idéologiques de l’extrême-droite. Le risque de dérapage est toujours là… On le constate avec, parfois, une tentation un peu complotiste, par exemple, pour expliquer, avec des arguments suspicieux, la défaite à 600.000 voix près au 1er tour de la présidentielle. On est toujours aux franges de l’acceptable comme avec ces appels quasi insurrectionnels à la « bataille » quand il s’agit de mobiliser pour la prochaine manif ! Mais l’exemple de François Ruffin, dans la Somme, qui a réussi à très largement recycler l’électorat du Front National local, sans aucune concession à aucun thème de l’extrême droite, montre qu’une voie s’ouvre pour un basculement de perspective entre le FN et LFI. Les thèmes antisystème que Marine Le Pen avait elle-même emprunté à la gauche protestataire peuvent redevenir les fers de lance du discours et de l’action de LFI, sans bien sûr le racisme, le patriotisme cocardier, le nationalisme renfermé, le protectionniste de repli. La vision du monde et de l’avenir du LFI est à l’exact opposé de celle du FN…Mais stratégiquement et dialectiquement, il peut (il doit d’ailleurs pour être efficace) y avoir des similitudes de forme.
Et est-ce que ça peut marcher ? Jean Luc Mélenchon. peut-il vraiment reprendre à Marine Le Pen le leadership sur les classes populaires ?
Il en a la capacité personnelle. Sa façon d’être, provocatrice, agressive même, peut servir de catalyseur au sentiment de révolte qui étreint une partie de la population, quitte parfois à donner du monde une vision catastrophiste. Mais Jean Luc Mélenchon a, en plus, une grande culture et un sens de l’histoire que n’a pas Marine le Pen. Paradoxalement son échec valeureux en mai dernier le place maintenant dans une situation favorable. L’entre-deux tours de la présidentielle a considérablement abimé l’image, l’aura de Marine Le Pen. Le FN est isolé et divisé alors que LFI a un groupe cohérent à l’Assemblée. Ce groupe parlementaire donne droit à des possibilités d’intervention beaucoup plus visibles. D’autant que l’Assemblée renouvelée va redevenir le lieu des débats, la caisse de résonances des dissensions de la société. Si l’on considère que la France n’est pas intrinsèquement raciste, qu’un discours de critique sociale, suffisamment radical et « vulgarisable » peut remplacer un discours simpliste, basé sur la dénonciation de bouc-émissaires, alors la configuration des forces politiques, au parlement, la crise à gauche et à droite, le grand maelstrom idéologique que représente LREM, offrent Jean - Luc Mélenchon une opportunité unique de supplanter Marine Le Pen et donc d’incarner non seulement la contestation mais aussi l’alternative possible à un pouvoir et de droite et de gauche.
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