Bilan de cette campagne législative : « aucun débat »… Oui, comme si tous les débats de fond avaient été réglés pendant la Présidentielle ! Je vous résume une petite discussion que nous avons eue avec Daniel Vaillant, l’invité de Pascale Clark, mercredi, une petite discussion de couloir au sortir du studio. L’ancien ministre de l’Intérieur de Lionel Jospin nous expliquait que pour ne pas gêner le Président de la République, il ne fallait pas alimenter le débat sur la dépénalisation du cannabis « parce que nous sommes en pleine campagne électorale ». Cette affirmation qui nous paraît, à nous commentateurs de la vie politique, une évidence stratégique, est aussi (si on y réfléchit une minute) le reflet d’un grave défaut démocratique. On ne s’en rend plus compte, parce que nous vivons l’actualité politique avec des réflexes de chroniqueurs hippiques, mais nous en sommes arrivés à trouver normal qu’on évite des débats alors que nous sommes en campagne électorale. Le débat sur les économies à faire : où ? Lesquelles ? Ce débat est rigoureusement impossible, on en a fait l’expérience ces derniers jours, ici même, en recevant Pierre Moscovici et Benoît Hamon! C’est justement parce que nous sommes en campagne électorale que nous devrions avoir ces débats ! C’est dans ces périodes que les nuances à l’intérieur de chaque camp et les différences entre chaque camp devraient –normalement- s’exposer au grand jour. C’est exactement le contraire qui se passe ; « ne débattons pas, nous sommes en campagne ». Cette phrase tragique résulte de notre culture politique qui pousse chaque camp à dominer l’autre plutôt qu’à essayer de le convaincre. Elle illustre aussi la pertinence de la maxime la plus connue du cardinal de Retz : « on ne sort de l’ambigüité qu’à son détriment ».D’ailleurs pendant cette campagne législative, aucun thème dominant ne s’est dégagé !
Non, le Président et le Premier ministre implorent les électeurs de leur fournir une majorité pour gouverner et l’UMP exhorte ces mêmes électeurs à ne pas donner tous les pouvoirs au PS. Le débat tourne autour des moyens politiques plus que sur la politique elle-même. D’ailleurs, (et c’est une conséquence supplémentaire du scrutin par circonscriptions) chaque candidat fait une campagne très locale. Or, si le député est élu par une circonscription, il n’est pas l’élu d’une circonscription. Il est élu de la Nation, ce n’est pas un élu local. Il n’est pas là pour obtenir une rocade de contournement de son chef-lieu de canton mais pour rédiger et voter les lois, adopter le budget de la nation et contrôler l’exécutif. Quand Martine Aubry, par exemple dit de son candidat socialiste à Hénin-Beaumont, je cite : « il faut un député qui sera là tous les jours et qui connaît parfaitement les problèmes des habitants », elle fait une déclaration qui a son efficacité politique mais qui est un contre-sens institutionnel. Quand certains potentats locaux comme Manuel Aeschlimann à Asnières ou Maryse Joissains à Aix-en-Provence, tous deux députés sortants UMP, que personne n’a quasiment jamais vu à l’Assemblée, sont pourtant réinvestis par leur parti, avec le seul critère qu’ils sont sortants, on est dans la même logique. Voilà les pratiques politiques engendrées par 50 ans de vie, et trop peu de modernisation de la Vème république ! Ça mériterait bien sûr un débat… pas maintenant malheureux ! Nous sommes en pleine campagne électorale !
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