L’effet du coronavirus sur les idées politiques. C’est devenu un poncif de le dire : la crise aura des effets politiques majeurs. Cependant, le rapport de force partisan ne devrait pas forcément changer, d’autant qu’il n’est pas prévu d’élections nationales en France (législatives et présidentielle) avant deux ans
Les changements seront idéologiques, à l’intérieur de chacun des partis, et singulièrement des partis dits de gouvernement.
En ce moment, deux grands courants d’idées se voient renforcés par les événements : l’écologie et le nationalisme. Les écologistes alertent depuis des décennies sur les dérèglements causés par l’homme, les excès et l’absurdité productivistes et consuméristes. La crise actuelle renforce la pertinence de leur idée selon laquelle il faut organiser une autre croissance.
Le RN voit, lui, ses arguments enjolivés. Les frontières retrouvent une justification, apparaissent comme des instruments utiles. L’idée plus générale selon laquelle le flux humain, le mélange, une certaine modernité est un facteur de pandémie et de malheurs a l’apparence flatteuse de l’évidence. ‘Chacun chez soi et tout ira mieux’, philosophie de base des nationalistes, est aujourd’hui un slogan, pour d’autres raisons bien sûr, de bon sens.
Mais quel cadeau symbolique pour le RN ! De plus, le mélange de mystère scientifique, de peurs ancestrales d’un ennemi invisible et étranger, passé au shaker des réseaux sociaux, validé par l’incontinence de ‘n’importe quoi’ déversé par des chaines comme C-news, font le reste.
La crise est alliée de la bataille culturelle des écologistes et du RN. Au contraire, le PS, LR et LREM, coincés dans la sphère de ce qu’il est convenu d’appeler (avec connotation péjorative ou flatteuse) ‘le cercle de la raison’, se voient affaiblis. Parce que ce monde qui a permis la fulgurante propagation du coronavirus est perçu –à tort ou à raison- comme étant le leur. L’enfant du capitalisme et de la lente dérégulation voulue ou accompagnée, depuis les années 80, par les gouvernants de gauche, de droite et aujourd’hui des deux réunis.
Mais les solutions choisies pour sortir de la crise semblent plutôt empruntées à la gauche, non ?
En apparence… d’ailleurs une partie de la gauche estime (incroyable retournement de l’histoire !) que son heure est revenue. ‘Ne baisse pas les bras deux minutes avant le miracle’, dit le proverbe… Mais, en réalité, il est hasardeux de l’affirmer.
Les investissements publics massifs à l’œuvre, partout dans le monde, sont des solutions traditionnelles de la gauche, certes. Seulement là, ce ne sont que des solutions d’urgence, de sauvetage. Il s’agit d’une ambulance.
Quand le malade va mieux, généralement il reprend le métro et c’est payant ! Ce n’est pas au moment de la dépense que l’on voit si une politique est de gauche… c’est au moment de décider qui, comment et quand on rembourse la dette. Et là rien n’est sûr. Ce qui est certain, c’est que le libéralisme a du plomb dans l’aile.
Sera-t-il tempéré par un surcroît d’écologisme social et de multilatéralisme ou d’autoritarisme et de nationalisme, selon l’alternative qui se dessine, les deux courants d’idées en vogue? Voilà sans doute la vraie question.