Retour sur les enseignements de l’épisode Salpêtrière...
Et avec quelques jours de recul, nous pouvons faire collectivement (politique, médias, manifestants et citoyens plus ou moins actifs sur les réseaux sociaux) ce que les militaires appellent ‘un retour d’expérience’...
1er responsable : le ministre de l’Intérieur. Son attitude est décortiquée depuis quatre jours, tout a été dit : précipitation, instrumentalisation d’une fausse nouvelle. L’accusation selon laquelle il aurait créé sciemment une fake-news est sans doute injuste mais celle de l’incompétence communicationnelle est patente comme celle du wishful thinking, c’est à dire de donner un sens qui l’arrange à une information. Comme si la bataille de l’interprétation des faits était plus importante que celle de l’établissement des faits. Elle l’est pour un homme politique mais elle doit respecter au moins une temporalité. Christophe Castaner ne l’a pas respectée. En revanche pour les journalistes, la bataille de l’établissement des faits devrait primer. Ça n’a pas été le cas dans les 1ères heures. Nous nous sommes laissés entraîner par le commentaire précipité des politiques. Beaucoup de médias ont relayé sans assez de distance Christophe Castaner qui commentait des faits pourtant non établis. C’est une piqûre de rappel pour nous, les journalistes. Un communiqué de la police n’est pas une info fiable en elle-même ! Le ministre de l’Intérieur n’est pas le procureur. C’est un ministère très politique (donc par nature partial). Il nous faut donc, dans ce maelström, comme disait Régis Debray à ce micro, apprendre à ralentir.
Les réseaux sociaux et les chaines tout-info peuvent-ils ralentir ?
Les 1ers, non ; les 2nds, oui. C’est de leur responsabilité. Mais le plus choquant dans cette affaire c’est ce constat : comment en est-on arrivé à croire plausible que des manifestants aient attaqué sciemment, de la sorte, un hôpital ? C’est un tabou absolu ! Le fait de se prendre soi-même en flagrant délit d’y croire est effrayant et révélateur. Nous sommes dans une sale spirale de diabolisation et d’autodénigrement national. En France, nous dé-corrélons assez facilement légitimité et légalité. On a le sentiment que ce qui est illégal, dans certains cas, peut être légitime. La République est née comme ça. Elle a aussi été sauvée comme ça, par l’action illégale mais légitime de de Gaulle en 1940. Depuis, le mythe du ‘savoir dire non’, l’injonction morale du ‘indignez-vous !’ nous permet de rester un peuple difficile à aliéner. Mais cela produit aussi une mécanique infernale de violence verbale et de soupçon généralisé. Pour justifier de braver des interdictions de manifester, ou des dégradations, il faut expliquer que nous vivons en dictature ! De même, pour déconsidérer un mouvement social, il faut le noircir. Le pire, c’est que chacun finit par croire à ses propres exagérations. Bien des gilets jaunes pensent que la France n’est plus une démocratie, et le gouvernement en est arrivé à croire que les Gilets jaunes sont des sauvages et que les Black-blocks pouvaient s’en prendre volontairement à un service de réanimation. Il nous faut redescendre sur terre et constater... que... quelle chance, nous sommes en France ! Etat de droit. Imparfait, certes... mais de droit. Et que les manifestations, ce 1er mai, se sont, en réalité globalement, sur tout le territoire, très bien passées.
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