Oui, nos oreilles sont devenues insensibles aux superlatifs galvaudés qui envahissent le débat public. Nous vivons au milieu d’une actualité toujours +++, au rythme des réseaux sociaux et des chaines infos qui chargent leurs écrans « d’exclusifs », « d’urgents » et autre « breaking-news » criards et sensationnels pour la moindre saute d’actualité. Les politiques, afin de surnager dans cet océan d’infos-continue, nous abreuvent aussi de superlatifs pour décrire les crises et les solutions qu’ils tentent d’y apporter. La moindre libéralisation du transport autocar est présentée comme une révolution. A la longue, nous n’y prêtons même plus attention, et le superlatif politique devient un peu comme son corolaire sportif qui trouve toujours dix actions « historiques » par match. A chaque sommet international, à chaque soubresaut de la crise économique (qui dure depuis 40 ans) à chaque intervention militaire de la France, on affirme que rien de tel n’est survenu depuis la crise de 29 ou la Libération. Quand on veut être plus réaliste, on dit depuis le début de la Vème République. N.Sarkozy était le roi de l’historisation permanente de chaque évènement qui se présentait à lui et de chaque initiative qu’il prenait pour y faire face. En fait, plus nous somme le nez sur la vitre de l’actualité, moins nous distinguons ce que l’histoire triera, ce que le temps décidera de consacrer comme véritablement historique.
Mais là, dites-vous, les superlatifs à propos des attentats et de la COP21 ne sont pas usurpés.
Non… Pour une fois nous sommes face à l’évidence que l’histoire se fait sous nos yeux. C’est-à-dire que ce qui se passe en ce moment devrait changer la donne dans bien des domaines. C’est vrai sur la question du terrorisme, avec l’ampleur, la nature des attaques du 13 novembre… ce sera vrai pour les régionales si le FN gagne effectivement une ou plusieurs régions ! C’est vrai surtout avec la COP21. Pour une fois, tous les participants à une réunion internationale, (et le monde est là, à Paris) sont d’accord sur l’urgence de la situation de la planète. Nous avons là une image du bon côté de la mondialisation. Il ne s’agit plus d’arbitrer entre les intérêts des uns ou des autres, il ne s’agit pas de départager des belligérants, ni de fixer des règles pour éviter des conflits. Il s’agit rien de moins que de sauver l’humanité ! Il y a seulement quelques mois, V. Poutine disait du réchauffement que c’était une lubie occidentale pour nuire aux producteurs d’énergie fossiles comme la Russie. Il a dû se rendre à l’évidence parce ses glaciers fondent aussi, qu’il n’y a plus de doute possible et que la Russie est un grand pays scientifique. Heureusement, l’Amérique a un président démocrate qui vient de prononcer cette phrase inespérée en forme d’aveu inédit « je sais que mon pays est à l’origine du problème ». Et la Chine qui a maintenant une opinion publique furieuse de la pollution, l’Afrique qui sait que l’énergie renouvelable c’est enfin la promesse d’une indépendance véritable. Il y a, comme on dit, un alignement de planète incroyablement favorable. Accord final substantiel ou pas. Déjà, le monde réuni ici, constate de concert son propre état. Et ça c’est vraiment, vraiment Historique !
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