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France Inter
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L’attelage de l’exécutif défie-t-il le vieux clivage ?

Il défit surtout ce qui était devenu une imposture politique, la séparation absurde de personnalités qui pensent la même chose. Ce n’est pas une manifestation quelconque de l’UMP/PS, mais de la réunion des modérés de 2 camps… camps qui, par ailleurs, se radicalisent. Les 2 hommes sont tout à fait raccords pour ce qui est des solutions à apporter à la crise. Il ne s’agit donc ni d’une ouverture, ni d’un compromis mais bien de la fin d’un clivage artificiel, de l’effondrement d’un mur séparant deux blocs qu’on a longtemps attribué à nos institutions ou notre système électoral. Mais il y a moins de différences dans le binôme Macron/Philippe que, en 1981, dans celui de Mitterrand/Mauroy ou entre Giscard et Chirac en 1974 ! Les 2 hommes viennent du rocardisme. Ils sont favorables à un « déverrouillage » (j’utilise leur mot) de la société en général et de l’économie en particulier. La différence, s’il faut en chercher une, c’est qu’Édouard Philippe, en tant qu’élu d’une ville de l’Ouest, et affidé du maire de Bordeaux, est plus décentralisateur, plus girondin qu’Emmanuel Macron.

Donc Emmanuel Macron et Edouard Philippe ça serait même un peu ton sur ton…

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Paradoxalement peut-être ! Ce qui peut constituer un problème d’espace politique pour faire passer des réformes difficiles mais ça a au moins l’avantage de la cohérence. Il faut maintenant savoir quelle sera l’assise, la surface de la future majorité parce qu’il ne faut pas oublier que si le 1er ministre est nommé par le président, il est responsable devant le Parlement et est à sa merci. Il lui faut donc une majorité. Majorité dont d’ailleurs il sera le chef ! Et c’est là que ça se complique parce que les habitudes, les anciens clivages structurants, ne vont pas s’estomper comme par magie. Édouard Philippe va devoir diriger une majorité pour laquelle il n’aura pas fait campagne pendant la présidentielle… Et là, dans les semaines qui viennent… comment va-t-il faire campagne ? Pour les candidats de la REM, contre LR ? Tant d’années de clivages trompeurs et surjoués laissent forcément des traces…Il faudra dépasser sur le terrain (et c’est plus difficile qu’au sommet de l’Etat entre énarques de la même génération ayant les mêmes codes) dépasser les logiques d’appareils, les mécaniques électorales locales. Reste aussi à définir la géographie du nouveau clivage que le couple exécutif veut substituer à l’ancien. Européens optimistes contre souverainistes inquiets ? Progressistes ouverts contre conservateurs fermés ? C’est un peu court. Leur parti central, la REM, va nécessairement pousser droite et gauche à se radicaliser encore. Le PS et la France Insoumise ; le FN et LR… ces oppositions potentielles de part et d’autre de la République En Marche apparaissent bien morcelées. Nous sommes (la référence est souvent répétée, mais sa pertinence est criante) nous sommes en 1958, avec un parti présidentiel dominateur (il n’était pas majoritaire absolu) mais seul à même d’exercer le pouvoir dans une position rassembleuse, sur le dos de l’ordre ancien. Aujourd’hui Emmanuel Macron cherche à faire de son parti ce pôle central et majoritaire, autour duquel se réorganisera un nouveau clivage, qui reste encore incertain et mal défini.

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