Retraites : cette mobilisation réussie, de quoi est-elle le début ?

En ce jeudi de grève général, Paris a été marquée par une très grande affluence et des incidents. Au moins 806 000 manifestants ont été recensés dans toute la France pour dénoncer la réforme des retraites.
En ce jeudi de grève général, Paris a été marquée par une très grande affluence et des incidents. Au moins 806 000 manifestants ont été recensés dans toute la France pour dénoncer la réforme des retraites. ©AFP - Valentine Zeler / Hans Lucas
En ce jeudi de grève général, Paris a été marquée par une très grande affluence et des incidents. Au moins 806 000 manifestants ont été recensés dans toute la France pour dénoncer la réforme des retraites. ©AFP - Valentine Zeler / Hans Lucas
En ce jeudi de grève général, Paris a été marquée par une très grande affluence et des incidents. Au moins 806 000 manifestants ont été recensés dans toute la France pour dénoncer la réforme des retraites. ©AFP - Valentine Zeler / Hans Lucas
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Lendemain de mobilisation.Nous sommes au commencement d’un moment incertain. Nous avons déjà vécu cette situation ces dernières décennies : la formation d’un rapport de force.

Depuis les années 1980, début des effets de la mondialisation, les grands mouvements sociaux ne sont plus des demandes de nouveaux droits mais des luttes pour tenter de sauver les acquis des 30 glorieuses pendant lesquelles nos pays d’Europe de l’ouest  (sous la pression des peuples) avaient développé un Etat providence et établi une somme de droits et d’avantages sociaux inédits dans l’histoire de l’humanité. 

Ce système social prospère est attaqué depuis 3 décennies par la concurrence des pays dits émergents, aujourd’hui émergés, et ceux qui spéculent sur ce nouvel ordre. 

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L’entrée des pays de l’Est dans l’Union européenne et la financiarisation de l’économie ont achevé de placer nos vieilles démocraties sur la défensive sociale. 

En France -de tradition éruptive- cela se manifeste par des accès de fièvre. 

Parfois ça marche, comme en 1995. Le gouvernement canne, la réforme contestée est abandonnée et la crise sociale se mue en crise politique. La majorité doit céder sa place (ce fut la victoire de la gauche après la dissolution de 97). Parfois ça ne marche pas comme pour la loi El Khomri sous le quinquennat Hollande ou lors de la récente réforme de la SNCF.

Et qu’est-ce qui fait que ça marche ou pas ? 

Une alchimie que l’on ne peut déceler qu’à l’issue du conflit. Pendant le conflit, on commente des éléments secondaires : la pertinence des revendications, l’habileté stratégique des syndicats ou du gouvernement. Mais l’important est ailleurs... 

Une lutte sociale emporte tout sur son passage quand son objet est un prétexte. 

Est-ce que la popularité du mouvement d’aujourd’hui n’est due qu’à une inquiétude sur les retraites ou est-ce l’occasion de manifester, plus généralement contre le monde qui va avec la réforme en question ? 

Dans le second cas, la force du mouvement peut être tellurique ! En 1995, après une campagne présidentielle sur la fracture sociale, au cours de laquelle Jacques Chirac avait su parler à l’âme du pays et signifier qu’il avait les solutions et la volonté pour recoudre la République sociale (notre véritable identité nationale), la réforme Juppé des régimes spéciaux est apparue déplacée, brutale, hors sujet : une trahison. 

Ce ne sont pas les régimes spéciaux des cheminots, en eux-mêmes, que la population voulait sauver mais le monde qui allait avec ! La question qui est devant nous maintenant est la suivante : ce mouvement naissant est-il juste un mouvement d’inquiétude au sujet des retraites ? 

Auquel cas ce que dira le Premier ministre la semaine prochaine peut avoir son influence. Si, comme pouvait le suggérer la bonne popularité des Gilets jaunes, il s’agit un mouvement contre le monde tel qu’il va... alors le gouvernement n’y pourra rien. Comme en 1995. D’autant qu’Emmanuel Macron n’a pas su dire vers quel monde il est En Marche. Seulement la grande différence avec 95, c’est qu’aujourd’hui (facteur d’incertitude aggravant) , il n’y a pas d’alternative politique constituée qui, aux yeux des Français, soit porteuse de plus d’espoir que la majorité.  

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