Bien sûr, nous sommes en démocratie. Je ne pensais pas un jour faire une chronique en prononçant cette phrase !
Certains, comme Ségolène Royal, affirment que ‘nous sommes dans un régime autoritaire’ (régime autoritaire dont elle était ambassadrice jusqu’à la semaine dernière, donc !). Nous sommes en démocratie parce que le parti arrivé régulièrement au pouvoir va subir une cuisante défaite aux municipales ; parce que ceux qui affirment que nous ne sommes plus en démocratie peuvent le faire, parce qu’éditorialiste du service public, je peux affirmer –par exemple- que l’on a un sérieux problème avec la police ou que la réforme du BAC est un naufrage ; parce que nous avons ici un gauchiste comme Dominique Seux, des humoristes ultralibéraux belges... Parce que la presse est libre, la parole des opposants les plus radicaux est même surexposée via l’écosystème médiatique fait de réseaux sociaux et de tout-info. Parce que la liberté syndicale est respectée, comme l’ont montré tous ces mois de contestations. La mythologie de la résistance, qui (c’est une force de la France) fait que nous sommes un peuple qui ne se laisse rien imposer, peut aussi aboutir à quelques farces déplacées (très minoritaires mais très visibles) comme ces retraites au flambeau avec la tête d’Emmanuel Macron au bout d’une pic ou une assemblée d’avocats qui, pour défendre son régime de retraite, entonne ses revendications sur l’air du chant des partisans.
D’où vient ce sentiment (pour certains) de ne plus se sentir en démocratie ?
Ce sentiment traverse toutes les démocraties libérales en crise d’impuissance. Les gouvernants, pour y répondre, se disent qu’il faut retrouver de l’efficacité. Et quand il s’agit de retrouver de l’efficacité, la tendance naturelle d’un pouvoir relativement centralisé comme le nôtre, c’est de reprendre les choses en main. Ça passe par des lois de contrôle social, la tentation de renforcer les pouvoirs de police par rapport à ceux du juge, garant des libertés. Cette majorité y succombe. C’est aussi la tentation de personnaliser les décisions et d’établir une relation président/peuple en faisant fi de ce qui fait vivre la démocratie au quotidien : les corps intermédiaires. Mais en France –paradoxe- où l’on attend tout de l’Etat et ou l’Etat estime qu’il peut tout, nos institutions (qui par ailleurs nous assurent une précieuse stabilité) renforcent l’impression d’un pouvoir abusif. En 1962, Pierre Mendes-France prônait dans Pour une République moderne, une démocratie plus citoyenne, ‘participative’ dirait-on aujourd’hui. Il disait ‘il n’y aura pas de démocratie si le peuple n’est pas composé de véritables citoyens agissant constamment comme tels.’ Nos institutions ne le permettent pas. On avait cru comprendre, pendant la campagne, qu’Emmanuel Macron était dans un état d’esprit mendésiste. Il n’en fut rien, au moins pendant la 1ère moitié du mandat. Il est sans doute trop tard pour inverser la tendance. Mais prendre prétexte des imperfections de notre démocratie (dont les raisons sont principalement l’inadaptation d’institutions verticales dans un monde hyper connecté) pour affirmer que nous sommes sous le coup d’un régime autoritaire est abusif et dangereux.
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