Une majorité en trompe-l’œil ?

France Inter
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Manuel Valls devant les parlementaires pour un vote inédit.

Oui, il s’agit de faire approuver –ou pas- le plan d’économies par les députés. Alors, ce n’est pas une loi, ce n’est pas un vote de confiance… mais Manuel Valls a clairement lié son sort à la majorité qui sortira de cette consultation. Il ne lui suffira pas d’être majoritaire, il veut être majoritaire grâce aux seules voix de la gauche. Une poignée de députés UMP ou centristes voteront pour ou s’abstiendront. Il sera d’ailleurs peut-être compliqué de déterminer grâce à qui le Premier ministre obtient la majorité si le résultat est serré ! Manuel Valls a besoin d’une majorité de gauche claire parce que d’autres votes suivront : le collectif budgétaire, le PLFSS (le plan de financement de la sécu). Il ne peut pas se permettre de risquer d’être en minorité à chaque fois qu’un texte important impliquant des économies survient ! La situation est différente de celle qu’avait connue Michel Rocard en 1988. Celui-ci était devenu Premier ministre après des législatives qui n’avaient donné qu’une majorité relative au Parlement. Là il s’agit d’une majorité absolue mais qui s’érode par incompréhension entre les parlementaires et l’exécutif. Mais si ce soir Manuel Valls obtient la majorité grâce aux seules voix de gauche, personne ne sera dupe. François Hollande et Manuel Valls auront fait entrer une boule dans un cube de même volume… à coups de marteau ! Une majorité disciplinaire plus que de conviction ou d’adhésion. Ces derniers jours, beaucoup de bras de parlementaires socialistes ont été tordus.

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A droite aussi, des consignes strictes sont passées…

Oui, des bras UMP aussi sont tordus par des chefs même si deux ou trois députés voteront pour. Ce plan d’économie est jugé, en leur for intérieur, positivement par nombre de députés de l’opposition qui, pourtant voteront contre, par ce panurgisme parlementaire, pur produit de notre système électoral. Jean-François Copé explique, ce matin dans Les Echos que Manuel Valls renoue avec les pratiques de la IVème République en faisant des concessions à sa majorité pour pouvoir passer son projet ! En fait de concession il s’agit plutôt d’offrir (à très peu de frais) l’occasion aux socialistes récalcitrants, de rentrer dans le rang sans trop se déjuger. Sous la IVème –contrairement à ce que dit Jean-François Copé- le gouvernement Valls sauterait ce soir. Nous sommes plutôt en pleine caricature de la Vème avec l’insolente suprématie de l’exécutif et quand le patron de l’UMP dit, toujours dans Les Echos , que les centristes ont tort de ne pas s’opposer au texte et qu’ils le paieront parce que le gouvernement est très impopulaire, nous sommes en plein réflexe de déresponsabilisation parlementaire. Nous voilà donc dans cette situation absurde et faussée où une majorité va se dégager en trompe-l’œil… La vraie majorité qui correspondrait à la politique que proposent François Hollande et Manuel Valls, devrait, en toute logique, se composer de socialistes modérés et de centristes. Si c’était pour faire cette politique, François Hollande aurait dû intégrer François Bayrou dans sa majorité dès le début. Que l’on soit favorable ou non aux orientations actuelles, personne ne peut nier qu’il vaut mieux qu’une politique soit menée et défendue par ceux qui l’ont prônée et défendue pendant la campagne ! Mais pour des raisons de conformisme à la stricte et hermétique dichotomie droite/gauche et à cause de notre culture de l’affrontement, nous nous complaisons dans un théâtre d’ombre politique… qui n’intéresse plus grand monde…

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