Assisterons-nous dimanche au dernier tour d’une élection législative au scrutin majoritaire uninominal ?
Peut-être parce que, et la gauche, et la droite, en même temps, subissent la cruelle expérience qui montre que cette règle est absurde. L’injustice d’un mode de scrutin doit avoir une justification démocratique impérieuse. Ce n’est plus le cas. En réalité, ça ne l’a jamais été. Il a été adopté en 1958 pour éviter l’instabilité ministérielle de la IVèmeRépublique. Mais l’argument était spécieux parce que s’il était vrai que le président du Conseil de la IVème dépendait directement du bon vouloir de l’Assemblée, il n’en est pas de même pour le 1erministre de la Vème. Ses prédécesseurs d’avant 1958 étaient régulièrement renversés, au gré les soubresauts des débats et des jeux d’appareils, qui agitaient les multiples partis représentés proportionnellement à leur poids électoral. C’était ce que le Général de Gaulle appelait, le « régime des partis ». Etre représentatif mais impotent était inutile et dangereux. Le chef du gouvernement de la Vème, lui, est nommé et démis par le Président. Seule une motion de censure peut le renverser mais l’arme de la dissolution, entre les mains du président, dissuade toutes velléités de la sorte de la part de parlementaires, soucieux de garder leurs sièges. L’argument de la stabilité ministérielle utilisé en 58 était donc de mauvaise foi, il s’agissait en fait d’assurer au régime gaulliste des majorités solides et suiveuses qu’il eut d’ailleurs du mal à trouver, sauf en 1968.
Pourquoi alors, n’a-t-on instauré la proportionnelle qu’une seule fois depuis ?
C’était pour les législatives de 1986, une promesse de François Mitterrand. La proportionnelle, à l’époque, a d’ailleurs fourni au gouvernement Chirac une majorité stable, pas pléthorique. Le FN était représenté à la hauteur de son poids électoral… il devait se prononcer sur chaque loi en responsabilité et le groupe FN est vite devenu une pétaudière, révélatrice de ce qu’est vraiment ce parti. D’ailleurs quasiment aucun député FN de l’époque n’a survécu, politiquement à cette épreuve. Aujourd’hui les 31% de LRM qui aboutiront sans doute à plus de 70% des députés et à la sous-représentation du FN et surtout d’une force montante et jeune comme LFI, risque de provoquer des frustrations politiques bien compréhensibles et d’alimenter la victimisation quasi complotiste exacerbée par certains de ses dirigeants. C’est malsain, d’autant que si la logique macronnienne est bien le dépassement du clivage gauche-droite, quoi de mieux que la proportionnelle qui pousse au compromis (et donc à la responsabilité). Ce large groupe EM, surdimensionné et central, est la pire des configurations. Elle risque d’encore plus radicaliser les oppositions droite et gauche, étriquées, sous dimensionnées. Celles-ci, dont le vote pour ou contre n’aura pas d’incidences sur l’adoption des lois, va abuser de son seul pouvoir tribunicien et protestaire, d’ailleurs servi par leurs mégaphones tonitruants Mélenchon et Le Pen. La transition d’une logique d’affrontement à une logique de compromis est, dans ces conditions, assez mal barrée. Il serait bienvenu, pour la maturité de notre démocratie qu’Emmanuel Macron utilise sa toute puissance politique, aussi, à tenir sa promesse d’instaurer, à nouveau la proportionnelle.
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