L'édito du jour, avec vous Yael Goosz. La République n’admet « aucune aventure séparatiste », dit Emmanuel Macron. Et on s’interroge : est-ce que ça vaut aussi pour la Corse (où le Président est en visite jusqu'à ce soir) ?
« Indivisible », la République : les mots du Président ont résonné au Panthéon la semaine dernière. Prélude à ce fameux projet de loi contre les « séparatismes », censé la protéger. Mais qu’est-ce qu’on met derrière ce pluriel ? Voici la définition qu’en donne le ministère de l’Intérieur : séparatisme, se dit de toute « action qui vise à constituer un groupe dont le but est de s’organiser en marge de la République, de manière hostile. »
Définition large… Mais quand on demande si cela recoupe aussi les forces indépendantistes en Corse par exemple ? La réponse fuse immédiatement : « Oh là là, non, pas du tout, laissez les tranquille », se fâche la plus corse des ministres, en charge de la citoyenneté, Marlène Schiappa, elle qui arbore tous les jours l’île de Beauté sur son pendentif.
Ne pas faire de vagues, alors que le Président est sur place jusqu’à ce soir. Les nationalistes contrôlent depuis 2015 la collectivité unique, ils ont conservé Bastia aux dernières municipales et conquis Porto-Vecchio. Ce projet de loi, donc, ne les concerne pas. Ni les Corses, ni les Kanaks, ni les Basques, à ne surtout pas mettre dans le même sac, séparatiste, que l’islam radical… Chez Jean-Guy Talamoni, l'indépendantiste et président de l’Assemblée de Corse, on confirme : « Il ne s’agit pas de couper toute relation, mais d’avoir d’autres relations avec la République ».
Cette spécificité du combat politique corse n’inquiète plus le pouvoir central ?
Non. En ne cédant sur rien ou presque depuis 2017, Emmanuel Macron les a renvoyés à leurs statuts d’élus locaux, devant faire leur preuve dans la gestion d’une collectivité. Et ce fut dur sur les déchets par exemple. Quant à leurs revendications les plus chargées en symboles - statut de résident, co-officialité de la langue corse -, là-dessus l’Elysée non plus n'a pas bougé. Seule ouverture : un possible rapprochement des prisonniers, et un droit à l’expérimentation, dans la future loi Gourault (qui arrive en novembre au Sénat), mais qui vaut pour toutes les régions, pas spécialement pour la Corse.
Pas facile non plus d’être nationaliste au temps du Covid, lorsque vous vous retrouvez, crise oblige, à quémander toujours plus d’argent à l’Etat pour sauver votre économie. Et quand au mois de mai, le président de l’exécutif corse, Gilles Simeoni, invente le Greenpass (c’est-à-dire l’obligation pour tout arrivant de montrer un test négatif), c’est l’échec. L’Etat fait barrage. Et Simeoni se met à dos les professionnels corses du tourisme.
Symbole de cette distanciation politique, Emmanuel Macron séchera, cette fois encore, l’Assemblée de Corse. Parcours choisi très politique sur l’île : étape à Ajaccio hier soir, dont le maire est un proche d’Edouard Philippe. Bonifacio ce matin, la ville du marcheur Jean-Charles Orsucci. Comme si déjà, se préparait le match retour des régionales, en mars.
Attention quand même à ne pas sous-estimer l’adversaire : Gilles Simeoni, à la tête de 4.600 agents, a de la ressource. Une nouvelle victoire des nationalistes, surfant sur les frustrations accumulées, pourrait déboucher sur du séparatisme. Même risque en cas de défaite, mieux vaut un combat en plein jour dans l’arène politique, que le retour aux nuits bleues du FLNC.
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