Ce matin le cas Zemmour
Et cette question : Comment un polémiste, dont tout le monde est en mesure de savoir qu’il n’a pas la science ni l’expertise d’un historien, qu’il ne respecte pas le rapport aux faits qui sied à un journaliste, qu’il n’a pas non plus la légitimité d’un homme politique, a-t-il pu bénéficier, samedi, lors du colloque de Marion Maréchal, d’une telle couverture médiatique (parfois en direct) de la part de chaines d’info ? Comment décidons-nous de donner de l’importance ou non à un évènement politique ? Il faut que ce soit la réunion d’un parti ayant pignon sur rue, une implantation nationale, des militants, des élus... un mouvement significatif de l’opinion. Il n’en est rien pour Marion Maréchal qui n’a ni organisation, ni élu, ni candidat aux municipales. Eric Zemmour, en particulier, n’existe que par le succès de ses livres, reflets de ses saillies médiatiques qui expriment non pas une pensée articulée mais une série d’angoisses, de phobies, de détestations nourries d’arguments (et c’est ça qui est important) factuellement contestables. Les journalistes du Figaro déclaraient hier qu’ils souhaitent que leur journal clarifie la situation d’Eric Zemmour. Ils ne veulent plus être assimilés à ce qui ne correspond pas aux critères de leur métier. Il n’est plus reconnu par les journalistes comme un des leurs. Les historiens ne l’acceptent pas non plus. Ses affirmations historiques sont fantaisistes avant d’être scandaleuses.
Zemmour est un polémiste
Polémiste idéologue. Il ne se sert pas des faits pour étayer une opinion politique, une cause, non... il déforme les faits, les triture pour nourrir un propos de plus en plus radical et haineux. Son discours, condamné par la justice, est aussi (celui de samedi au moins) un appel à la guerre civile. Polémiste, voilà bien le seul titre qu’on peut lui reconnaître... et ce titre suffit à certaines chaines pour envisager de lui faire présenter des émissions... Plusieurs chaines (Cnews, Sud Radio, parfois LCI) ont bien compris que faire débattre des polémistes pouvait assurer un spectacle beaucoup moins cher que de financer des reportages pour rendre compte de ce qui se passe en France et dans le monde. Surtout, pour obtenir non pas une attention de citoyens par le raisonnement mais une audience de spectateurs par le clash, ils favorisent le débat entre extrêmistes et outranciers. La recette est simple : sur la laïcité, invitez un sociologue différentialiste proche des indigénistes et mettez-le en face d’un polémiste identitariste paranoïaque. Sur la PMA, prenez un militant (non pas pro PMA) mais pro GPA ... placez-le face à un intégriste catholique (tous deux repérés sur Twitter plutôt qu’à l’université). Eric Zemmour, roi du mélange des genres, homme politique sans électeurs, journaliste sans rigueur, historien sans science, est une Rolls pour les télés qui veulent nous faire croire que faire vivre la démocratie c’est faire s’invectiver des grandes gueules, que retrouver l’oreille du peuple c’est refuser la complexité et la nuance rebaptisée bienpensance ou politiquement correct. Le prix de cette quête d’audience, c’est l’entretien de la trouille, de la défiance, de la mesquinerie généralisée... du rabougrissement pour abreuver de noirceur le pays déjà parmi les plus pessimistes du monde...
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