Revenons sur Manuel Vallls qui a accusé hier la Commission européenne d’en « faire trop peu ou trop tard » dans la crise agricole, qui frappe les filières porcine, bovine et laitière. Le processus est vieux comme la politique agricole commune. Lorsqu’une crise dépasse les responsables politiques, ces derniers finissent bien souvent par accuser Bruxelles. En réalité, cette crise très complexe a plusieurs causes : un contexte international défavorable, désarmement européen et défaillance française.
Commençons par le marchés agricoles mondiaux. Nous subissons une chute du prix des matières premières agricoles, accentuée par la chute des cours du pétrole. Cette baisse s'explique par la surproduction mondiale et le ralentissement de la demande. En cause, le ralentissement de l'économie chinoise et le faible appétit des consommateurs pour les produits carnés. Cette crise conjoncturelle survient à un mauvais moment pour l’Europe. L'Union européenne a démantelé au fil des ans les mécanismes de régulation des marchés. Dernière décision en date, la suppression définitive des quotas laitiers au printemps 2015, qui permettaient de limiter la production et de soutenir les prix. Les éleveurs en ont profité pour augmenter à contretemps - légèrement en France et en Allemagne, outrancièrement en Irlande - leur nombre de vaches laitières, faisant dévisser les prix. Côté porc, rien ne va plus. Les producteurs sont frappés par l'embargo russe, imposé en raison d'une épizootie survenue en Pologne et dans les Pays baltes.
Que peut donc faire Bruxelles ?
1- elle doit obtenir la levée de l'embargo russe
2- autoriser des mesures de stockage sur les marchés. Elle l'a déjà fait, mais la filière porcine n'a pas joué le jeu.
3- à terme, n'imaginez pas Nicolas qu'on va rétablir le contrôles des marchés de grand papa, avec les montagne de beurre et les congélateurs de viande, mais on peut imaginer que les 10 milliards d'aides versées à l'agricuture soient en partie transformés en assurance risque contre les variations de cours.
Mais en réalité, le nœud de la crise française se trouve…en France. Premier problème, les agriculteurs ont refusé de choisir entre la production de masse, très industrialisée et une filière haut de gamme productrice de valeur ajoutée. Ils sont restés prisonniers d'exploitations familiales de taille moyenne. Ces dernières sont trop petites et pas assez industrialisées pour fournir la grande distribution et les marchés mondiaux à des prix compétitifs. Le refus de l’industrialisation s’incarne dans le rejet de la ferme « des Mille vaches ». C'est pourtant le choix qu'ont fait les Danois et les Allemands. Les éleveurs n'ont pas su, non plus, monter en gamme. Cet échec s'illustre dans l’incapacité de créer une filière distincte pour la viande de qualité.
Pourtant les agriculteurs ne sont pas les seuls en cause. Ils sont dans les mains des abattoirs et des grandes centrales de distribution qui captent la valeur ajoutée et ne la font pas progresser. Les Français n'ont pas profité des années fastes des matières premières pour se restructurer.
Un sursaut français est indispensable, faute de quoi les éleveurs de Bretagne subiront le sort des usines Moulinex de Normandie : la disparition.