L'effet miroir... ou le retour à la terre !

Photo de la série télévisée "Les Arpents Verts" (1965), de Jay Sommers avec entre autres Eva Gabor et Eddie Albert.
Photo de la série télévisée "Les Arpents Verts" (1965), de Jay Sommers avec entre autres Eva Gabor et Eddie Albert.  ©Getty -  Bettmann
Photo de la série télévisée "Les Arpents Verts" (1965), de Jay Sommers avec entre autres Eva Gabor et Eddie Albert. ©Getty - Bettmann
Photo de la série télévisée "Les Arpents Verts" (1965), de Jay Sommers avec entre autres Eva Gabor et Eddie Albert. ©Getty - Bettmann
Publicité

Le salon de l'agriculture n'aura pas lieu cette année à Paris et au moment où bon nombre d'urbains rêvent d'un retour à la campagne, une question se pose: Mais qu'en disait "Les Arpents verts" il y a plus de 50 ans ?

En 2021, il n’y aura pas de salon de l’agriculture, un air de campagne qui aurait sans doute fait du bien à de nombreux citadins qui, pour certains et le confinement aidant, ressentent l'envie de quitter la ville pour tenter un retour à la terre. Ce mouvement n’est pas nouveau mais la crise sanitaire a, semble-t-il, donner à beaucoup d’urbains des rêves de vie rurale, un peu comme dans la sitcom américaine Les Arpents Verts diffusée entre 1965 et 1971 aux Etats-Unis et en France, 8 ans après dès 1979 sur Antenne 2.

Le principe de la série était assez simple : Oliver Douglass, un avocat new-yorkais décide de quitter la grosse pomme pour en cultiver … enfin ... refaire sa vie avec sa femme dans une petite ferme dans la petite bourgade fictive de Hooterville. Un village situé quelque part – c’est assez flou - dans le sud ou le midwest américain. Cette série se moque gentiment autant des citadins que des ruraux puisque la sitcom joue sur le ridicule des situations et les ploucs sont autant des gens de la campagne que de la ville : il suffit de voir Oliver Douglass (Eddie Albert) en costard sur son tracteur ou son épouse Lisa (Eva Gabor) qui nourrit poules et cochons, en robe du soir et bague au doigt, pour le comprendre.  Mais Les arpents verts, au-delà du comique de situation s’amuse plus largement des travers de la société mercantiliste américaine, incarnée à l’écran notamment par le cochon Arnold, élevé par les voisins des Douglass. Un cochon qui se complaît dans le confort et le divertissement, il passe d’ailleurs de longues heures devant la télé et les séries westerns. 

Publicité

Ce que la diffusion des Arpents Verts en 1965 et son arrêt en plein succès en 1971 raconte au fond, c'est que contrairement à aujourd’hui, le monde rural et agricole a longtemps intéressé les séries. Entre les drama familiaux du genre La Grande Vallée ou Bonanza et les westerns traditionnels comme Gunsmoke (Police des Plaines) ou Le Virginien, la télé tendait un miroir, certes mythifié, mais un miroir tout de même sur l’Amérique blanche des campagnes, cette Amérique profonde qui en 2020 se plaint de ne pas être bien représentée par les élites.

Le mouvement de ce que l’on appelle dans l’histoire de la télé américaine "la purge rurale" démarre justement à la fin des "années arpents verts" qui est le dernier avatar des sitcoms du genre. Il y avait eu, juste avant en particulier Petticoat Junction en 1963 dont Les Arpents Verts est le spin-off ou encore en 1962 The Beverly Hillbillies une série qui raconte la venue à Beverly Hills d'une famille de propriétaires terriens qui découvre par hasard du pétrole au fond de leur champ ! 

Les Arpents Verts comme les autres séries sont arrêtées en 1971 non pas parce que le succès n’était plus au rendez-vous mais parce que son audience vieillissait et qu’elle désintéressait les annonceurs. Au début des années 70, les décideurs considèrent que le public des métropoles est de meilleure qualité pour les annonceurs : plus jeune, plus aisé, plus sensible aux campagnes publicitaires. Le public des petites villes et de la ruralité, plus vieux, plus conservateur mais plus nombreux, est moins prêt à changer ses habitudes de consommateur. La télé - et CBS en tête, une des chaines les plus conservatrices - décident de faire évoluer sa grille de programme et annule beaucoup de ces séries rurales tant appréciées. Depuis, ça n’a pas vraiment bougé, les séries américaines restent pour la grande majorité urbaine et bourgeoise et le monde rural essentiellement dans les registres du fantastique ou du polar poisseux.  Qui sait, peut-être, qu’après la crise sanitaire, le  mouvement du retour vers la terre aura lieu aussi dans les séries. 

Pour en savoir + : Retrouvez ici l'article de Séverine Barthes, grande spécialiste des séries télé - Une histoire économique de la Purge Rurale de 1971 

=> Retrouvez Benoît Lagane, avec ses gourmandises sérielles et cathodiques dans Faim de Séries tous les vendredis dans le 5/7 de Mathilde Munos sur France Inter. Et le 23 octobre ... on était à cheval sur les séries !