Selon France Inter, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour escroquerie et abus de biens sociaux visant notamment Dominique Strauss-Kahn. Au cœur du dossier, LSK, le groupe qu'il présidait au Luxembourg jusqu'en octobre 2014. Cette enquête fait suite à la plainte d’un homme d’affaires français, Jean-François Ott, qui a perdu les 500 000 euros qu’il avait investis dans le groupe. Depuis, une seconde plainte a été déposée par un ex-banquier macédonien. Une enquête à retrouver dans Le Parisien Magazine.

La première question que devra se poser la brigade financière de la Police Judiciaire de Paris , qui a été saisie de l’affaire, est : comment ont été dilapidés les 100 millions d’euros aujourd’hui réclamés par 156 créanciers de multiples nationalités ? Le groupe LSK laisse en effet des pertes énormes et beaucoup de questions.
Créée par Thierry Leyne, un ambitieux homme d’affaires franco-israélien, LSK était un groupe de placements financiers qui s’appuyait sur un réseau de filiales nommées Assya . Rien qu’à Luxembourg,Assya gérait les portefeuilles de près de 500 clients aujourd’hui floués. Parmi eux, de riches hommes d’affaires, comme Mohamed Bouamatou , ex-magnat descimenteries mauritaniennes, qui avait investi cinq millions d’euros. Mais aussi de grandes institutions comme labanque du Luxembourg . Et de modestes anonymes, comme ce père de famille qui a perdu toutes les économies qu’il avait placées pour assurer un avenir à sa fille handicapée.
Ce que notre enquête journalistique révèle, c’est que DSK a pris la tête d’un groupe à la gestion douteuse. A l’été 2013, soit un mois avant son arrivée, elle affiche déjà une perte de 13 millions d’euros. Sa principale filiale,Assya Luxembourg a du mal à payer ses notes de téléphone, d’électricité, de fournitures de bureau… Les salaires seront bientôt versés avec du retard. Quant aux dossiers clients, beaucoup sont incomplets, rangés dans des dossiers papiers, alors que tout devrait être informatisé.
Une ancienne salariée confesse :
Nous ne pouvions pas dans ces conditions effectuer des contrôles sérieux pour savoir comment nous gérions nos portefeuilles
Pis : plutôt que de placer l’argent des clients sur le marché,Assya Luxembourg outrepasse ses mandats de gestion et l’investit en partie dans des actions « maisons ». En clair : elle rachète les titres de ses filiales pour en faire monter artificiellement le cours. Lorsqu’il s’en aperçoit, le patron d’un fond de placement suisse,Christopher Cruden, menace Thierry Leyne :
Je lui ai dit, «rends moi mon argent (400 000 euros). Tu trafiques tes actions. C’est une fraude
Il récupérera son placement après plusieurs mois de procédures. Une société d’assurance, « La Bâloise Vie », engage un bras de fer judiciaire pour les mêmes motifs. Elle se plaint de l’utilisation qui est faite des deux millions d’euros qu’elle a confiés au groupeLSK.
L’ex salariée de LSK confirme ces pratiques :
Tout restait en interne. Lorsqu’on ne pouvait pas revendre les titres litigieux à d’autres filiales, on faisait parfois appel à Thierry Leyne pour qu’il les rachète lui-même. On était plusieurs à se dire qu’on ne voulait pas finir en prison. A la fin, on en avait vraiment peur.
CommentDSK, brillant expert en économie, n’a-t-il pas vu où il mettait les pieds ? Depuis un an et demi, il donne des conférences aux personnels d’Assya à l’invitation de Thierry Leyne. Il est intronisé président du conseil d’administration de LSK l e 18 octobre 2013. Les comptes du groupe lui sont ouverts.
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Peu après, le cabinet Ernst&Young tire la sonnette d’alarme. Il émet des réserves sur la valeur réelle des filiales de LSK . Puis, à l’automne 2013, incapable d’attester de la sincérité des bilans qui lui sont présentés, il démissionne de son mandat de commissaire aux comptes.
Au même moment, la Commission de surveillance du secteur bancaire luxembourgeois, la CSSF, débarque à Assya Luxembourg pour une inspection qui se révèle calamiteuse. Les employés travaillent jour et nuit pour tenter de remettre de l’ordre dans la gestion. Une responsable passe une nuit blanche à rédiger une procédure anti-blanchiment qui n’existait pas. On rappelle les clients un à un pour remettre leurs dossiers à jour… Assya Luxembourg est mis en demeure de se mettre en règle. Une seconde inspection aura lieu début 2014. Mais aucun de ces signaux ne semble ébranler la présidence du groupe.
Jusqu’au printemps 2014**, DSK** ne vient qu’épisodiquement à LSK. Il préside parfois les conseils d’administration. A partir du mois de mai, il vient chaque semaine. Il organise des réunions de travail avec les gérants des filiales, pour mettre au point son grand projet : créer un fond d’investissement et lever deux milliards de dollars ! Il est épaulé par sa fille,Vanessa , qui occupe un bureau d’Assya à Genève .
Une ancienne salariée confie :
C’était risible de l’intérieur. Il était tellement évident que LSK ne pouvait pas répondre aux normes imposées pour un tel fond au Luxembourg.
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Fin septembre 2014, Thierry Leyne etDSK contournent l’obstacle. «DSK Global Investment Fund » est enregistré… mais à Guernesey !
Durant l’été 2014, l’assureur "la Bâloise Vie" assigne LSK devant le tribunal. Elle obtient le remboursement des deux millions d’euros qu’elle avait investis. Il apparait alors queLSK est insolvable. Et la faillite inéluctable. Le 20 octobre 2014, DSK démissionne de la présidence en catimini. Trois jours plus tard Thierry Leyne se suicide. La liquidation de LSK est prononcée le 17 novembre. Le fisc luxembourgeois découvre alors que le groupe lui doit 75 000 euros d’arriérés d’impôts sur les salaires. Il demande aux ex-administrateurs de rembourser cette somme, ce que contestent ces derniers.
Comment expliquer un tel fiasco ? Où est passé l’argent des créanciers ? Pourquoi les administrateurs qui avaient accès aux comptes n’ont-ils pas tiré la sonnette d’alarme ? L’avocat de DSK , Jean Veil , explique dans un courrier adressé au parquet de Paris que son client :
n’a jamais exercé aucune fonction opérationnelle .La direction de l’entreprise était assurée par Thierry Leyne
Selon l’avocat, DSK a été floué :
Sa signature figure sur plusieurs procès-verbaux de conseils d’administrations de LSK auquel il n’a jamais participé

Depuis, DSK a dissous sa société personnelle, Parnasse France , pour ne conserver que Parnasse International immatriculée auMaroc , pays où il s’est domicilié. La première affiche un déficit de 40 000 euros. La seconde un bénéfice de près de trois millions. Aujourd’hui 156 créanciers attendent toujours de savoir s’ils pourront récupérer quelques miettes de LSK . De source luxembourgeoise, on explique que tout est parti en fumée.
Une conclusion qui ne satisfait pas cet ex-gestionnaire d’Assya Luxembourg :
Il y a peut-être quelque part des liquidités dans des coffres à Chypre ou au Costa Rica […]Les enquêteurs devraient s’intéresser aux voyages fait par quelques ex-dirigeants dans les mois qui ont précédé la chute
D’autres créanciers pourraient se tourner vers la justice. Les enjeux de cette affaire sont énormes. Soit les anciens administrateurs sont exonérés de toute responsabilité, et tout s’arrête. Soit ils pourraient avoir des comptes à rendre aux créanciers. Et alors…
Pour aller + loin :
Les étranges comptes de LSK
"Secrets d’info" a fait expertiser les derniers comptes publiés par LSK . Ils révèlent plusieurs anomalies :
- Le groupeLSK a pris le contrôle de plusieurs de ses filiales en les rachetant à des prix très élevés. Entre 2012 et 2013, il acquiert Assya Partners avec un différentiel de 3,6 millions d’euros entre le coût de vente, et le montant des capitaux propres de la société. Puis il débourse, pour acheter Assya Asset Management Luxembourg, 4,7 millions de plus que ce qu’il détient en fonds propres.
On peut retrouver un écart du même type lors du rachat par LSK en juin 2013 de la société YOUPIJOB, une plateforme de mise en relation sur internet.
Hypothèse : cela a contribué à gonfler artificiellement la valeur de LSK qui a intégré à ses comptes des actifs surévalués. A l’autre bout de la chaine, les vendeurs ont pu réaliser de substantiels profits.
2. LSK a enregistré en 2012 une perte de 17 millions d’euros. Puis en 2013 de 12,8 millions. Malgré cela, il a contracté deux nouveaux emprunts en juillet 2013. Cette année-là, sa dette se montait à 50 millions d’euros !
3. Les rémunérations perçues par les dirigeants de LSK étaient importantes : en plus des honoraires de Thierry Leyne qui se montaient à 1,9 millions d’euros, 2,4 millions d’euros en 2013 étaient réservés aux « membres des organes d’administration ou de direction ».
Quelle responsabilité pour les administrateurs ?
L’avis de Jean Brucher, avocat spécialiste du droit des entreprises au Luxembourg :
Il est évident que ce sont des faits qui peuvent donner lieu à la mise en cause des membres du conseil d’administration. Un membre du conseil d’administration a des responsabilités bien déterminées. Il est supposé vérifier la bonne marche de la société. En droit luxembourgeois, les membres du Conseil d'Administration d'une société anonyme encourent une responsabilité solidaire en cas de violation de la loi sur les sociétés commerciales et en cas de violation des statuts de leur société. Elle concerne tous les administrateurs

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