Serge Paugam : "C'est par ces liens sociaux qu'on devient un être social"

Dans ce nouvel ouvrage issu de plusieurs années de recherche, Serge Paugam, penseur de la pauvreté, de la précarité et de la socialité, s’enquiert des fondements de la solidarité humaine.

Dans un contexte national de soulèvements et de revendications citoyennes, le sociologue, nourri par la philosophie et la psychologie sociales, signe avec "L'Attachement social. Formes et fondements de la solidarité humaine" (Seuil), un ouvrage criant d’actualité, qui nous montre l’absolue nécessité de penser notre désir et nos manières de faire communauté.

Serge Paugam s'intéresse aux différentes formes d'attachement de l'individu à la société, ce qui lui permet de distinguer quatre principaux types de liens sociaux sur lesquels l'être humain va s'appuyer pour agir et se développer au sein de son environnement : les liens de filiation, les liens de participation élective, les liens de participation organique, et le lien de citoyenneté.

Le monde du travail n'est plus ce monde dans lequel on pouvait s'épanouir comme on voulait

Serge Paugam : "Bien sûr, il y a encore beaucoup de catégories, beaucoup de personnes qui s'épanouissent pleinement dans le monde du travail, qui veulent même travailler le plus longtemps possible. Mais c'est un monde qui est fracturé parce que cet épanouissement, il n'est pas possible pour tous. Il y a des personnes qui souffrent beaucoup dans le monde du travail et on voit une détérioration. On s'aperçoit que les conditions de travail se sont quand même détériorées au cours des dernières années. En tout cas, l'expérience vécue des salariés s'est dégradée."

Repenser le rapport au travail dans nos sociétés

"Il y a, y compris en Europe, des pays qui ont de bien meilleurs résultats que nous en matière d'organisation et de rapport au travail. Quand on fait des enquêtes sur la satisfaction au travail, on s'aperçoit que les Français sont très souvent insatisfaits et très nombreux à l’exprimer dans des proportions qui n'ont rien à voir avec celles que l'on obtient dans d'autres pays."

Aujourd'hui, la production est en flux tendu

"On ne peut donc plus aujourd'hui prendre de temps. Et quand on regarde cette intensité au travail, elle s'est considérablement développée ces dernières années et tout cela crée du malaise. On n'a plus le temps de se parler, on n'a plus le temps de concevoir un travail bien fait, organisé et sur la base d'équipes qui s'entendent et qui essayent justement de résoudre les problèmes de façon collective. Alors, c'est peut-être cela qu'il faudrait repenser.

On parle beaucoup aujourd'hui en France à l'occasion de ce débat à l'occasion de la réforme des retraites. Il faudrait repenser le travail. Beaucoup de syndicalistes le disent, c'est peut être l'occasion justement de mettre sur la table tous les emplois qui sont qui ne sont pas des emplois décents, c'est à dire des emplois qui sont exposés à cette précarité qui est un peu insidieuse, cette précarité qui fait que l'on ne voit pas. Il faut aller interroger les expériences vécues pour pouvoir se rendre compte."

La suite est à écouter...

Musiques :
• Stromae - "Santé"
• Milton NASCIMENTO – "Travessia"
• Flavien Berger - "D'ici là".

Archives sonores :

• Dominique Schnapper à propos de l’individualisme qui est excessif par rapport au collectif et sur le concept de démocratie extrême » qui mène vers le délitement, Extrait de l’Heure Bleue du 29/11/2021

• Alain Supiot sur l’idée de contrat dans la société : on parle de vivre ensemble mais plus de solidarité, Extrait de l’Heure Bleue du 30/05/2022

Générique : Daft Punk - "Veridis Quo"