Labyrinthes, Mohamed Mbougar Sarr

Portrait de l'écrivain Mohamed Mbougar Sarr
Portrait de l'écrivain Mohamed Mbougar Sarr ©AFP - Joël Saget
Portrait de l'écrivain Mohamed Mbougar Sarr ©AFP - Joël Saget
Portrait de l'écrivain Mohamed Mbougar Sarr ©AFP - Joël Saget
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C'est avec "La plus secrète mémoire des hommes" (Philippe Rey et Jimsaan), son quatrième livre, que l'écrivain Mohamed Mbougar Sarr a remporté le Prix Goncourt. Un roman "monde" qui est à lui seul un thriller, un conte philosophique, un hymne à la littérature et à la liberté. À ne pas rater !

Avec
  • Mohamed Mbougar Sarr Romancier, prix Goncourt 2021 pour son livre "La plus secrète mémoire des hommes"

Mohamed Mbougar Sarr fait partie de la nouvelle génération de voix qui s’élèvent pour conter des histoires nouvelles, des récits alambiqués et tortueux qui se basent sur tous types de personnages. Il écrit les récits du Sénégal comme dans son roman De purs hommes et y mêle des thématiques universelles.

Avec son dernier roman, La plus secrète mémoire des hommes, il devient l’un des plus jeunes lauréats du Prix Goncourt 2021 avec ce livre inspiré du destin tragique de l’écrivain malien Yambo Ouologuem, vainqueur du prix Renaudot en 1968 pour son premier roman Le Devoir de violence. Il lui a été très vite reproché d’insinuer que des chefs locaux ont contribué au colonialisme en Afrique et d’avoir plagié des extraits de romans connus, de la Bible ou du Coran. Le contexte de la décolonisation et des indépendances des années 60/70 lui ont valu le reproche ultime d’être un traître à l’identité africaine.

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Musimbwa parlait rarement de son pays d'origine. Je savais seulement qu'il avait fui la guerre, enfant, en compagnie d'une tante, décédée l'année dernière. Il ne m'avait jamais parlé des circonstances de sa fuite, de ses parents, de sa vie avant la France. Je lui avais un jour demandé la raison pour laquelle il n'évoquait jamais directement sont passé. Je n'oublierai jamais sa réponse.

Cérébral et sensuel, le roman questionne également le rapport à l’écriture et révèle la relation intime qu’un auteur entretient avec son art.

Extraits de l'entretien

Mohamed Mbougar Sarr : "L'écrivain est le navigateur du temps"

Une grand-mère à l’origine de son désir d’écrire

"Je lui ai dédicacé mon premier livre. Elle est décédée peu de temps avant sa parution. J’aurais aimé lui lire, et lui traduire en sérère (une des langues du Sénégal parlée par 30% de la population, sa langue maternelle).

J’ai une dette affective, et poétique envers elle. De plus en plus, je suis convaincu qu'elle a joué un rôle important dans mon désir de devenir écrivain, même si je n’en étais pas conscient. C’est assez classique : c’est elle qui m’a lu mes premiers contes, mes premières histoires en sérère. A Paris, il m’arrive de le parler encore avec des compatriotes."

La langue sérère

"Étant donné que la vision du monde passe par la langue, on trouve dans le sérère tous les éléments de la cosmogonie sérère. C’est une langue à la fois extrêmement concrète mais avec un aspect spirituel extrêmement fort.

Tout simplement parce que pour atteindre au spirituel ou au métaphysique, il faut en passer par des éléments concrets. C'est là tout le sens de ce qu'on a appelé, parfois de façon péjorative, le paganisme ou l'animisme. Cela veut simplement dire avoir une conscience très forte de son environnement, et des éléments qui nous entourent. C'est-à-dire la nature, la lumière, les plantes, la lumière, le sol. Ce n'est pas pour rien que les sérères sont une ethnie majoritairement d'agriculteurs."

L'écriture une forme de voyance héritée de sa culture sérère

"Ce serait alors une voyance dont la direction n'est pas le futur, mais le passé. C'est le cas de beaucoup d'écrivains. Leurs prophéties sont toujours tournées vers leurs origines. Non pas, parce que le passé les fascine ou par volonté réactionnaire. Mais plus par l'intuition que c'est dans ce passé que réside le secret de ce que nous sommes, le secret de notre désir profond, en l'occurrence du désir d'écrire ou de raconter des histoires. Je ne crois pas aux écrivains visionnaires. Mais peut-être qu’en voyant le passé, ils voient aussi l'avenir... Et comme tout se fait dans un travail du présent… L’écrivain navigue entre des strates de temps très différentes. Il est un navigateur du temps."

La suite est à écouter...

Musique

  • 7 Seconds, Youssou N'Dour
  • El Arado, de Victor Jara Boomer
  • Boomer, de Gaël Faye

Archives

  • Roland Barthes sur la puissance de l'acte d'écrire, acte de jouissance et de plaisir – Archive de l’émission « Radioscopie », sur France Inter, 17 février 1975
  • Coup d'Etat militaire au Burkina Faso : le président Kaboré chassé du pouvoir – Reportage d'Euronews, le 24 janvier 2022
  • Jorge Luis Borges sur le problème littéraire : il y a des choses que l'auteur ne raconte pas, mais qui existent – Archive de l’émission « Entretiens avec », sur France Culture, 29 mars 1965
  • Sami Tchak : ses critiques vis à vis des écrivains africains et la question de la langue – Archive de l’émission « Cosmopolitaine », sur France Inter, 13 mars 2011

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