Patrick Autréaux : "Je n'étais jamais tout à fait à ma place avant de commencer à écrire"

Son premier livre est paru en 2009 "Dans la vallée des larmes" qui signait un véritable tournant dans l'existence de son auteur puisque c'est l'expérience de la maladie qui la conduit tout naturellement vers l'écriture. C'est cette dernière qui a sans doute été son plus grand remède naturel pour affronter cette terrible épreuve qui a bouleversé son rapport à la vie.

Cette épreuve fait depuis partie de son style d'écriture puisque c'est grâce à la maladie que son âme d'écrivain a émergé, laquelle l'a profondément sauvé en lui inspirant une écriture thérapeutique qu'il est parmi le seul à employer aujourd'hui. Les traumas auxquels il a dû faire face, on peut les ressentir en lisant chacun de ses livres. Au micro de Laure Adler, il raconte comment l'écriture est soudainement devenue son seul moyen de renouer le lien avec l'hyper lucidité mentale, de nourrir un plus grand désir de réflexion et d'aspirer à une vie psychique plus avancée afin de mieux échapper à la douleur, aux souffrances et aux aspérités de la vie. Une vocation pour l'écriture née du besoin de retisser ce lien entre sa vie mentale et la souffrance de son propre corps rongé par la maladie du cancer.

C'est ce qui fait qu'il a toujours écrit sur sa propre expérience autobiographique. Dans le paysage littéraire français, l'auteur est absolument unique et singulier puisqu'il franchit à rebours les étapes de sa propre vie en tant qu'écrivain après avoir tenté de le faire en tant que médecin, avant que la maladie ne perturbe sa vie.

Naissance d'une "écriture thérapeutique"

S'il écrivait déjà beaucoup avant de tomber malade, l'auteur raconte comment la maladie a totalement transformé son rapport à l'écriture, et comment l'écriture lui a permis de continuer à guérir son esprit au sens où nous l'entendons tous, soit de trouver des réponses qu'il n'aurait sans doute jamais trouvées avant la maladie : "J'ai commencé à écrire vraiment assez longtemps après la maladie, quand j'étais à peu près guéri, car dans le moment même de la maladie, j'écrivais simplement des poèmes, la seule forme littéraire que j'arrivais à saisir en période de crise. C'est alors que j'ai commencé à me tourner vers un autre style d'écriture pour aller chercher quelque chose d'encore inconnu en moi-même, une rencontre avec un inconnu salutaire, une écriture combinée avec de la psychanalyse, une autre forme de recherche de soi qui puisse mieux faire réfléchir sur ce que j'appelle le côté sauvage du monde, l'imprévisibilité des événements et toutes les grandes expériences intérieures qui tissent quelque chose de nouveau malgré soi. Depuis, je me sens aventurier de mon esprit et de mon propre corps".

À tel point que quand il est sorti de sa maladie, il a décidé d'abandonner sa carrière de médecin puisque, psychiquement, la guérison était plus compliquée et impliquait chez le futur écrivain une remise en question mentale plus globale : "Il faut savoir que guérir, c'est quelque chose de vraiment difficile. Il faut avoir la chance de survivre aux premières étapes d'une chimiothérapie ou d'un traitement lourd et ne pas avoir trop de séquelles. Il me fallait donc revenir vers la vie après une expérience non choisie et essayer de me rattacher autrement à la société, à mon entourage, en essayant de redevenir le plus bienveillant possible et d'écouter davantage les autres sans céder à l'impatience systémique. Quand je suis revenu à l'hôpital, je ne supportais plus la violence hospitalière latente. C'est ainsi que l'écriture est arrivée pour faire la transition avec ma convalescence, ma guérison. Depuis, j'écris des textes qui s'apparentaient à de la littérature thérapeutique".

Comment l'écriture a changé sa vie ?

C'est l'écriture qui aura permis à Patrick Autréaux de comprendre pourquoi, avant même que la maladie ne l'éprouve et généralise des plaies bien plus profondes, il baignait déjà dans un état de survivance face à l'adversité qui contrariait en permanence son existence : "Je n'étais jamais tout à fait à ma place avant de commencer à écrire. C'est ainsi que mon écriture est à tout jamais liée à l'importance de la réaction face à des événements traumatisants, à des douleurs, à des souffrances. À chaque fois que j'écris, j'écris à partir de cette base inspiratrice qu'est la survie. Je me sens assez survivant dans une forme de vie plus large, plus complète intellectuellement et émotionnellement. Mon expérience médicale, dans tous les sens du terme (en tant que médecin et malade) m'a permis de mieux appréhender les rapports humains, de me sentir plus humain et de mieux me découvrir moi-même tel un vivant dans sa complétude".

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