Père et fier, Christophe Honoré

Christophe Honoré  pendant le 16ème Festival International du Film de Marrakech le 9 décembre 2016
Christophe Honoré  pendant le 16ème Festival International du Film de Marrakech le 9 décembre 2016  ©Getty - Stephane Cardinale - Corbis/Contributeur
Christophe Honoré pendant le 16ème Festival International du Film de Marrakech le 9 décembre 2016 ©Getty - Stephane Cardinale - Corbis/Contributeur
Christophe Honoré pendant le 16ème Festival International du Film de Marrakech le 9 décembre 2016 ©Getty - Stephane Cardinale - Corbis/Contributeur
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Avec son livre, "Ton père",Christophe Honoré répond, à ceux qui les considèrent, sa fille et lui, l'artiste homosexuel, comme une "infamille".

En tant que cinéaste, Christophe Honoré s’est toujours interdit de faire des films de coming out, même chose, pour son livre "Ton père", qui ressemble à la fois à un autoportrait, un album de photos, une encyclopédie amoureuse, un roman policier et un journal testamentaire adressé à sa fille de 10 ans. Un texte dans lequel il se livre comme jamais. Le point de départ du livre est un mot, une insulte homophobe, punaisé sur sa porte, qui a provoqué une prise de conscience à retardement et le constat qu’il était moins tranquille qu’il ne le pensait. D'où ses interrogations : Qu’est-ce qu’une famille "traditionnelle" ? Est-ce que j'ai bien fait d'avoir un enfant? Ça veut dire quoi, être père en 2017 ? Est-ce réservé aux seuls hétérosexuels ?

Et parce que le principe de la collection"Traits et portraits" aux Editions Mercure de France, au sein de laquelle paraît "Ton père", est de mêler textes et images, les différents chapitres de ce livre sont ponctués de photographies. Les montages signés de Christophe Honoré voisinent avec les portraits d’artistes comme par exemple, Cyril Collard, Bernard-Marie Koltès, ou Hervé Guibert.

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"(...)Le blouson de ma fille sentait le froid et le dehors. Nos mains se sont touchées. Ma fille avait les ongles sales. Intuition du papier. S’emparer au ralenti du billet… J’ai grimacé. Une série de petites grimaces ont signifié qu’il m’était difficile de déchiffrer une écriture aussi… -C’est quoi cette écriture de cochon ? - « Guerre et Paix : contrepèterie douteuse. » Ma fille a lu ça avec sérieux. Insistant sur le « teuse » de « douteuse ». Puis petit mouvement de tête vers moi. Haussement d’épaules. Elle a demandé ce qu’était une contrepèterie. Mes poumons ont pris chaud brusquement. Je me suis penché vers la fenêtre. Les persiennes laissaient tomber une lumière bleue où j’ai retourné le billet dans tous les sens. Pourquoi avoir punaisé ce billet sur ma porte ? Pourquoi ne pas le glisser au-dessous ? Pourquoi s’attacher à l’afficher ? Pourquoi ce désir de proclamer ce que l’on a tenu à me dire ? Mais tenait-on à me dire quelque chose ou plutôt à me signaler ? Cette blague était plus communiquée que partagée. A-t-on craint que je la dissimule et que je la taise, cette blague qu’on me faisait ? Était-ce si important de la montrer au grand jour qu’on ait fait le choix de la placarder ? J’ai réfléchi à la punaise. À l’organisation que cela réclame. On ne se promène pas avec des punaises dans les poches. L’affaire a été préméditée. Quelqu’un a su où j’habitais et a décidé de m’écrire ça et a fouillé dans un tiroir et parmi cent choses a débusqué une boîte de punaises ou plus possiblement une punaise solitaire et oubliée là depuis un temps indéterminable.(...)" . Extrait de "Ton père" de Christophe Honoré aux Editions Mercure de France.

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