

Ordinaire, pure, exceptionnelle, limite ou radicale ? Stéphane Madelrieux, dans sa « Philosophie des expériences radicales » nous invite à réfléchir sur ce qu’est une expérience extraordinaire, et montre comment une telle expérience a pu nourrir la pensée philosophique française du XXe siècle. .
Nos expériences ordinaires suffisent-elles à donner un sens à nos vies ?
N’y a-t-il pas au contraire des expériences exceptionnelles, rares, supérieures, qui rompent avec l’ordinaire et nous font toucher quelque chose de plus profond, de plus réel, d’absolu ?
Dans son dernier essai "Philosophie des expériences radicales" édité au Seuil dans la collection L'ordre Philosophique, le professeur de philosophe Stéphane Madelrieux nous invite à rencontrer les philosophes de l'expérience. Les philosophes de l’expérience radicale soutiennent en effet qu’il existe une différence de nature entre deux grands types d’expériences : d’un côté, les expériences pratiques, habituelles, empiriques, qui nous maintiennent dans un régime d’apparences ; de l’autre, des expériences privilégiées, telles que l’extase mystique, l’effusion érotique ou l’exaltation de la fête, transformant l’individu qui les traverse, le transportant dans un espace et un temps propres, imposant de nouvelles valeurs et dévoilant le fond des choses par-delà les apparences.
Qu'est ce qu'une expérience exceptionnelle ? Et une expérience radicale ?
Il existe deux grands types d'expériences : celle de l’expérience pure, mise en œuvre par Bergson, Wahl et Deleuze, et celle de l’expérience-limite, qu’ont poursuivie jusqu’au bout Bataille, Blanchot et Foucault. Dans cet effort pour développer une nouvelle philosophie de l’expérience, les penseurs français rencontrent une autre tentative contemporaine et du même genre, celle du pragmatisme américain, dont ils s’inspirent parfois mais qui pourrait bien fournir les instruments de leur critique la plus décisive
L’auteur étudie le programme philosophique de l’empirisme métaphysique, qui vise à développer une nouvelle philosophie de l’expérience. L’empirisme métaphysique regroupe différents penseurs autour d’une même idée : il existe une différence de nature et de valeur entre les expériences ordinaires et les expériences exceptionnelles. Cet empirisme supérieur porte sur l’ensemble des expériences radicales, exceptionnelles, qui rompt avec le cours ordinaire de nos vies. Le coma, le déjà-vu, l’art, sont de telles expériences, elles suspendent notre rapport pratique au monde et nous donnent un accès privilégié à l’être et au fondement de toute réalité. Également, la folie, l’érotisme et la littérature, en transgressant les organisations culturelles et humaines de la société, ouvrent la voie aux mouvements primitifs de l’être et de l’homme. Cet empirisme peut se diviser en deux branches : expérience pure, théorie portée par Bergson, Jean Wahl et Deleuze, et expérience-limite, idée portée par Foucault, Bataille et Blanchot.
L’expérience pure dans l’empirisme métaphysique désigne une expérience obtenue par régression et élimination de toutes médiations pratiques et sociales des expériences ordinaires. C’est une expérience purement sensible, où celui qui fait l’expérience et ce dont il fait l’expérience sont directement liés, sans opération intellectuelle pour l’organiser. L’expérience pure donne un accès direct à la réalité, alors que l’expérience ordinaire ne donne accès qu’aux apparences. On peut parler, selon la formule de Henry David Thoreau, de « réalomètre ». L’expérience-limite dans l’empirisme métaphysique désigne une expérience obtenue par transgression de toutes les limitations pratiques et sociales des expériences ordinaires. « On sort des limites du régime ordinaire pas seulement comme on sort du jardin, mais comme on sort de la Caverne, pour accéder à un point de vue privilégié sur la réalité. »
Stéphane Madelrieux est professeur de philosophie à l’université Jean Moulin-Lyon 3. Il est l’auteur de William James. L’attitude empiriste (P.U.F., 2008) et de La philosophie de John Dewey (Vrin, 2016), il a dirigé Bergson et James. Cent ans après (P.U.F., 2011) et participé à l’édition critique des oeuvres de Bergson aux Presses universitaires de France. Il est également Directeur adjoint de l'Institut de Recherches Philosophiques de Lyon, Responsable du Master mention "Philosophie" et du parcours de Master 2 "Philosophie contemporaine" et Président de Pragmata : Association d'études pragmatistes
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