

Le 11 septembre 2001, David Pujadas venait tout juste d'être propulsé à la tête du journal de 20h de France 2. Il nous raconte ses souvenirs de cet évènement qui a changé à tout jamais la fabrique de l'info.
- David Pujadas Journaliste
11 septembre 2001, 15h33. David Pujadas, 36 ans venait d’arriver à France 2 après avoir passé plusieurs années sur LCI. Il présentera le 20 Heures pendant seize ans sur la chaîne publique. Aujourd’hui, il est à nouveau un visage de LCI.
Avec lui, nous retraçons ces folles heures de télévision où les journalistes ont reçu les images avant de connaître les faits.
Et quelles images ? Celles de l’attentat perpétré contre le World Trade Center surpassent à ce point la réalité par leur force évocatrice qu’elles convoquent ou anéantissent (au choix) les scénarios de fiction les plus catastrophistes. 20 ans après, nous aimerions comprendre comment les duplex en direct et les chaînes tout info ont radicalement transformé la télé.
Comment, aussi, dans cette accélération de l’information, les journalistes allaient apprendre à travailler avec des images pensées par des terroristes. Quand et comment les professionnels de l’info allaient prendre la mesure d’un nouveau phénomène médiatique : la théorie du complot.
Extraits de l'entretien
David Pujadas :
David Pujadas débutait au JT de France 2. Il n'est pas sûr de faire une brève avec l'attaque du World Trade Center !
"Le 11 septembre 2001, j'ai 36 ans, je suis inconnu, pas légitime et je fais le malin... Je ne cherche pas à excuser le jeune écervelé que j'étais à l'époque, mais je pensais que c'était l'un de ces petits avions de tourisme qui survolent Manhattan qui était entré dans la tour. Le journaliste de Canal me demande si j'allais en parler.
Je réponds que cela fera peut être une image à la fin du JT !"
Un passage tardif en édition spéciale
"On passe en édition spéciale suite à une décision exceptionnelle du directeur de l'info, Olivier Mazerolle à l'époque. On pense que c'est un accident. On ne saura que c'est un attentat qu'un quart d'heure plus tard. Bien sûr qu'on passe en édition spéciale trop tard.
Ne pas interrompre le feuilleton diffusé cet après-midi-là était une erreur."
L'information après les images
"De l'attentat, on voit d'abord les images avant de connaître les faits. Mais l'image suffit. Elle a un fort pouvoir informatif. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner que c'est une action criminelle. Là, oui, on est dans la déduction avant l'information. La seule chose que je peux dire à l'antenne, c'est le symbole que ces tours représentent."
"J'ai été un spectateur comme les autres au moment de l'effondrement des tours. C'était tellement bouleversant. Mais j'étais quand même journaliste avant tout. J'avais des gardes fous. J'ai comment les images. Imaginées par Ben Laden, elles étaient tellement cinématographiques qu'on avait du mal à penser que c'était la réalité."
Média et terrorisme
"Il peut y avoir 10 morts sur les routes tous les jours. Ça ne sera jamais le même effet que deux morts dans un attentat qui, eux, vont susciter une émotion et un effroi immense. Donc, d'une certaine manière, le média, par définition, fait le jeu du terroriste"
Aujourd'hui ?
"Les médias apprennent. Et finalement, ils se mettent d'accord sur des compromis qui peuvent encore un peu évoluer, qui sont parfois les bons, parfois insuffisants, parfois excessifs. Je ne crois pas qu'on intégrerait aujourd'hui les paroles de Ben Laden comme on l'a fait à l'époque. Regardez ce qu'il s'est passé avec le groupe État islamique Daesh. On a finalement adopté une position qui consistait à ne montrer que des images gelées. On ne diffuse pas les vidéos des terroristes.
D'une certaine manière, on a acquis l'idée que ce matériel vidéo-là était fabriqué pour qu'il soit diffusé pour donner une certaine idée de la réalité et donc, par principe, il ne fallait pas les diffuser.
On le fait parfois dans les magazines avec une Marie-Louise (du blanc autour de l'image qui lui donne un statut particulier) lorsqu'on a du temps pour expliquer en même temps."
"Je comprends qu'on soit choqué quand on voit des bandeaux sur les chaînes info. Salah Abdeslam : "Mon seul maître est Dieu". Comme si on parlait de l'avocat de la défense de la partie civile, comme si on parlait du président du tribunal, comme si cette déclaration était mise au même niveau que la déclaration d'un acteur public. Ce n'est pas jouable."
La suite est à écouter..
L'équipe
- Production
- Stagiaire
- Collaboration
- Collaboration