Les chaînes panarabes et les territoires occupés

Le siège de la chaîne d’information qatarie Al Jazeera, Doha
vidéo
Le siège de la chaîne d’information qatarie Al Jazeera, Doha ©AFP - KARIM JAAFAR
Le siège de la chaîne d’information qatarie Al Jazeera, Doha ©AFP - KARIM JAAFAR
Le siège de la chaîne d’information qatarie Al Jazeera, Doha ©AFP - KARIM JAAFAR
Publicité

La journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh, une des plus connues de la chaîne Al-Jazeera, a été tuée par balle mercredi alors qu'elle couvrait une opération de l'armée israélienne en Cisjordanie.

Avec

Au lendemain de la mort de Shireen Abu Akleh, journaliste palestinienne travaillant pour la chaîne Al Jazira, l’Instant M s’interroge, aux côtés de Hala Kodmani, la journaliste franco-syrienne à Libération, spécialiste du Moyen-Orient, sur le rôle de ces grandes télévisions panarabes (Al Jazira et d’autres) dans la couverture de l’actualité en territoires occupés. Elles sont déterminantes pour le public palestinien, elles le sont aussi pour tous les jeunes journalistes palestiniens qui trouvent dans ces chaînes des débouchés professionnels. L’affaire Shireen Abu Akleh est un séisme. L’onde de choc va continuer de se propager.

Frédéric Métezeau, correspondant de Radio France en Israël, s’est rendu hier après-midi à la rédaction d’Al Jazira. Il nous raconte le choc, juste un an après (souvenez-vous) le bombardement des bureaux d’Al Jazira à Gaza par l’armée israélienne. Une cérémonie d'hommage va être organisée à la Mouqataa, siège de l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, à Ramallah, en Cisjordanie. Shireen Abu Akleh, qui sera inhumée ce vendredi, était chrétienne de rite syriaque. Elle sera enterrée dans un cimetière chrétien à Jérusalem, à proximité du Mont Sion et du mont des Oliviers.

Publicité

Frédéric s'est rendu hier à la rédaction d'Al-Jazira et a été particulièrement ému par le deuil, témoin "d'une ambiance extrêmement triste et pesante. En même temps, les journalistes continuaient à travailler parce que Al-Jazira, c'est une chaîne d'info continue qui émet en quatre langues et il fallait absolument resté le plus concentré possible. Une ambiance de tristesse et de deuil un an après cet autre événement traumatisant qu'a été le bombardement de la tour Al Jazeera à Gaza".

Al-Jazira, pionnière dans le paysage médiatique arabe

Hala Kodmani, explique que si la chaîne TV fondée en 1996 est aussi menacée aujourd'hui, c'est justement parce que c'est une grande voix qui mobilise plus qu'aucun autre média ce qui se passe là-bas. C'est elle qui a promu localement l'information continue et a mis en place une nouvelle manière de traiter l'actualité, se distinguant significativement des autres chaines. Elle explique combien elle a profondément renouvelé la manière de faire du journalisme à une époque où l'ensemble des médias sont nettement moins présents pour couvrir le conflit israélo-palestinien. Avec ses bureaux à Ramallah, Al-Jazira est le seul média à aller à contre courant de la baisse de la couverture médiatique d'Israël et de la Palestine : "Comme pour Israël, comme pour des régimes arabes assez fermés, c'est toujours la voix qui dérange, qui fait appel aux émotions, qui n'a pas peur de cibler toutes les violences, dans le cas palestinien en particulier, parce que c'est une cause qui, au-delà des Palestiniens, mobilise à travers le monde arabe. Al-Jazira a tout inventé en termes de médias dans le monde arabe. L'information continue n'existait pas avant elle. Elle s'est attachée à faire parler les émotions des populations. Il y a une grande marge de liberté ou d'ouverture, mais conduite par le gouvernement qatari qui nomme le directeur de la rédaction. Il y a des sensibilités".

Tous les régimes autoritaires sont gênés par la voix d'Al-Jazira

Frédéric Métézeau précise qu'Al Jazeera a souhaité rompre avec les chaînes officielles des gouvernements autoritaires, en souhaitant investir davantage le terrain, partager la vie réelle des gens : "Al-Jazira a vraiment ouvert le spectre et donné la parole aux gens. Nombreux sont les journalistes comme Shireen Abu Akleh qui sont devenus des icônes localement".

L'équipe